Oubliez la Coupe du monde de rugby et la fin de sa phase de poules ce week-end. Une autre compétition internationale débute samedi 7 octobre : le Microsoft Excel World Championship (MEWC), ou championnat du monde de Microsoft Excel. Durant deux mois, 128 candidats vont s’affronter pour décrocher le trophée, remporté l’année dernière par l’Australien Andrew Ngai.
Au premier coup d’œil, rien ne semble plus éloigné qu’Excel des jeux vidéo compétitifs les plus célèbres, comme League of Legends ou Counter-Strike. Le format du championnat rappelle pourtant celui de l’e-sport, avec des épreuves qui se tiennent en ligne, des parties commentées ainsi qu’une enveloppe – 15 000 dollars, plus de 14 000 euros – pour récompenser les premiers du classement. La finale, qui est prévue le 7 décembre, se tiendra même à l’HyperX Arena de Las Vegas (Nevada), où sont régulièrement organisés des tournois de jeu vidéo.
Mais contrairement aux e-sportifs, jeunes prodiges de la manette ou du clavier qui font de leur divertissement un métier, les participants au MEWC font l’inverse : professionnels expérimentés, ils explorent les aspects ludiques de leur outil de travail.
« Je participe à cette compétition pour m’amuser », explique la Niçoise Barbara Mauric, 48 ans, contrôleuse de gestion pour l’armateur italien Amico. « Et ça me permet également de m’améliorer. J’apprends des choses variées sur le logiciel au contact des autres participants et peux les appliquer dans d’autres situations », détaille celle qui utilise quotidiennement Excel depuis 2008.
Des créateurs issus de la finance
En parallèle, Barbara Mauric concourt au championnat du monde de modélisation financière (Financial Modeling World Cup, ou FMWC), une compétition dont les origines remontent à 2012 et qui, sous sa forme actuelle, est également organisée par AG Capital, le créateur du championnat du monde d’Excel. La FMWC – où le tableur est aussi roi – propose différentes épreuves durant lesquelles les candidats doivent utiliser les données financières d’une entreprise fictive pour réaliser une projection de potentielles performances.
Souhaitant toucher un public plus large, le PDG d’AG Capital, le Letton Andrew Grigolyunovich, a ensuite lancé le MEWC en 2021. « Il y a énormément de personnes qui connaissent Excel mais qui n’ont pas de formation en finance. Par exemple, il y a des mathématiciens ou des ingénieurs très bon dessus que j’avais tout de même envie de voir participer à ce genre de compétition », raconte celui qui concourait lui-même dans des tournois de modélisation financière.
Ecrans de machine à sous dont il faut calculer les scores, circuits automobiles à traverser en tirant des dés, tableaux de résultats de compétitions de biathlon à déchiffrer… Les épreuves proposées aux candidats ressemblent désormais à des casse-tête dans des univers éloignés de l’entreprise. Bear Island (« l’île aux ours »), par exemple, consiste en une série de problèmes à résoudre à partir de la carte d’une île peuplée d’animaux sauvages, dessinée en coloriant les cases.
Chaque défi doit être résolu en trente minutes mais les matchs ne se résument pas pour autant à effectuer le maximum de tâches dans le temps imparti. Pour s’imposer, il faut plutôt trouver formules et outils les plus efficaces pour glaner un nombre maximal de points en atteignant des objectifs prédéfinis. La compétition est à l’image d’Excel : elle privilégie l’efficience et la rigueur.
« Ce qui fait le sel des épreuves c’est de se dire : “Bon, quelle approche vais-je avoir ? Qu’est-ce que ça va donner par rapport aux autres ?” », raconte Nicolas Micot, 27 ans, qui a atteint la deuxième phase de qualification en 2022. « Comme on n’a pas beaucoup de temps et qu’on est stressé, il y a des choses auxquelles on ne pense pas. Après coup, on peut regarder les autres en stream et se dire : “Mince, c’est vrai qu’en faisant ça, je me serais beaucoup moins pris la tête” », ajoute ce gestionnaire de risques dans une entreprise de Nouvelle-Aquitaine.
Faire du tableur un spectacle
Mais est-ce bien distrayant de regarder des personnes remplir des tableaux Excel ? « Depuis le début, je voulais que cela puisse être agréable à regarder », assure Andrew Grigolyunovich. Pour cela, il s’est directement inspiré des codes de l’e-sport, imaginant notamment des formats de « battles », dans lesquels s’affrontent jusqu’à huit joueurs, et a sollicité un commentateur truculent, le formateur Excel et vidéaste Oz du Soleil.
Pour assurer la fidélité du public, les organisateurs incitent aussi les participants à allumer leur webcam et mettent en avant certaines personnalités. Le virtuose irlandais Diarmuid Early, surnommé par la communauté le « Michael Jordan d’Excel », intervient ainsi de plus en plus dans des vidéos sur YouTube ou des publications sur le réseau social LinkedIn, tout comme le champion du monde en titre.
La compétition a, enfin, touché un large public grâce à sa diffusion à la télévision américaine. Depuis l’année dernière, le championnat est rediffusé sur la chaîne de sport ESPN, qui a une émission consacrée aux disciplines les plus inattendues, comme le jeu de chat compétitif. « Je suis contente que ce soit intéressant même pour ceux qui ne travaillent pas avec Excel, s’enthousiasme Barbara Mauric, amusée par le succès du programme. On verra ce qu’ils inventeront dans le futur pour nous tenir en haleine. »
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Sans compter que l’intérêt est tout trouvé pour Microsoft. « Regarder les matchs est une très bonne publicité pour les nouvelles versions du logiciel, ne manque pas de rappeler Nicolas Micot. La dernière en date intègre de nouvelles formules qui sont utilisées par certains joueurs. Cela ne manquera pas d’inspirer d’autres développeurs et propriétaires de logiciels. »