L’Union européenne se demande si les règles du DMA, le nouveau règlement sur les marchés numériques qui s’applique aux très grosses plateformes ou aux services en ligne les plus importants, doivent s’appliquer à Bing (Microsoft) et à iMessage (Apple). Bruxelles, qui s’est donné cinq mois pour trancher la question, a commencé son enquête. Voici comment.
Bing et iMessage sont-ils suffisamment importants en Europe pour qu’ils aient à respecter le DMA, le nouveau règlement sur les marchés numériques de l’Union européenne (UE) ? C’est tout l’objet de l’enquête de Bruxelles qui vise Apple et Microsoft, au sujet du « Digital Markets Act » ou DMA. Et les fonctionnaires européens ont bien commencé à travailler sur la question, nous apprend Reuters, ce mardi 10 octobre. 01net vous expliquait, le 6 septembre dernier, comment Bing, le moteur de recherche de Microsoft, et iMessage, la messagerie instantanée d’Apple, échappaient – pour l’instant temporairement – au DMA.
La Commission européenne décidait, le mois dernier, de ne pas les inclure, pour l’instant, dans sa liste des « services essentiels ». Toute plateforme entrant dans cette catégorie, définie dans ce règlement, devra respecter de nouvelles – et très lourdes – obligations à compter du 6 mars 2023.
Ce nouveau règlement européen vise en effet seulement les très gros acteurs du numérique. Son objectif est d’instaurer davantage de concurrence entre les entreprises du numérique, un secteur jusque-là dominé par des Apple, Google, Amazon, Meta ou encore Microsoft. Ces géantes du numérique devront par exemple mettre en place l’interopérabilité de leurs services avec des applications concurrentes, ou le partage des données : de quoi impliquer pour chacune d’entre elles des changements structurels et économiques conséquents.
Pour Apple et Microsoft, ni iMessage, ni Bing ne pèsent pas assez lourd pour être visés par le DMA
Apple, dont l’App Store fait partie des services d’intermédiation listés par la Commission européenne, devra par exemple revoir totalement l’architecture de son magasin d’applications. Elle aura l’obligation d’autoriser l’installation d’applications iOS en dehors de l’App Store. Ces nouvelles règles pourraient réduire son chiffre d’affaires, alimenté en partie par les commissions de 15 à 30 % que l’entreprise impose à tous les développeurs d’applications. Et si iMessage finit par être sur la liste de l’UE, la firme de Cupertino devra également rendre cette messagerie compatible avec WhatsApp, Signal ou Messenger.
Résultat : certaines entreprises tentent coûte que coûte d’échapper au texte. C’est le cas d’Apple et de Microsoft, pour qui iMessage et Bing n’auraient pas à respecter ces nouvelles règles, parce que ces services ne seraient pas assez importants sur leur marché respectif, dans l’Union européenne. Apple a ainsi avancé que sa messagerie instantanée n’était pas assez populaire, pendant que Microsoft a soutenu que son moteur de recherche ne détiendrait que 3 % du marché. Deux autres services échappent aussi, pour l’instant, au DMA : Edge et Microsoft Advertising de Microsoft.
Un questionnaire envoyé aux utilisateurs et aux concurrents
Le 6 septembre dernier, la Commission européenne avait expliqué qu’elle excluait pour l’instant ces quatre services du DMA, et qu’elle se donnait cinq mois pour trancher la question d’une possible application du texte. Restait à savoir comment elle allait enquêter. Et selon nos confrères de Reuters, Bruxelles aurait envoyé au début du mois un questionnaire aux utilisateurs et concurrents de Microsoft et d’Apple. Concrètement, elle leur aurait demandé d’évaluer l’importance des trois services de Microsoft et de l’iMessage d’Apple par rapport à des plateformes concurrentes.
Le nombre d’utilisateurs fait aussi partie des interrogations : pour Apple, le chiffre des adeptes européens d’iMessage pourrait être déterminant. Pour entrer dans la catégorie des services essentiels devant respecter le DMA, le service en question doit dépasser un certain seuil (45 millions d’utilisateurs mensuels dans l’UE). Or, cela fait des années qu’Apple n’a pas publié de chiffres précis à ce sujet.
Autre point du questionnaire : l’UE souhaite savoir comment iMessage, Bing, Edge et Microsoft Advertising s’intègrent dans les écosystèmes des entreprises sondées. Les personnes et entreprises interrogées avaient une semaine pour répondre aux différentes questions.
Une étude commandée pour se préparer à de potentiels procès
Parallèlement à ce qui ressemble à une enquête de terrain, Bruxelles se tient aussi prête à répondre aux recours et contestations des sociétés qui chercheront à échapper au DMA. Elle aurait commandé, expliquait L’Usine digitale le 5 octobre dernier, une étude juridique, une dizaine de jours après la publication de sa liste des entreprises concernées par ce règlement.
L’objectif : affûter ses arguments qu’elle devra certainement déployer face à de potentiels recours judiciaires de sociétés mécontentes d’être visées par le DMA. L’UE doit déjà faire face à deux actions en justice d’Amazon et de Zalando. Ces deux sociétés tentent d’échapper au « DSA », un autre règlement européen régulant les services numériques, entré en vigueur plus tôt que le DMA – à savoir, le 25 août dernier.
Source :
Reuters