Quel lien entre la guerre en Ukraine et l’avenir des télécoms ? L’attaque russe ayant coupé une partie des réseaux terrestres du pays, le ministre du numérique Mykhaïlo Fedorov a appelé à l’aide la constellation de satellites Starlink et son fondateur, Elon Musk. Du tac au tac, la société américaine a dépêché 10 000 antennes sur place. « 150 000 personnes ont ainsi été connectées au Web », a tweeté le ministre, le 2 mai, remerciant Starlink pour ce « soutien crucial à l’infrastructure ukrainienne ». Au-delà du coup de communication pour Elon Musk, ce baptême du feu est un message pour le monde des télécoms, souligne Dan Ives, analyste de la banque Wedbush Securities : « Le rôle joué par Starlink dans la guerre en Ukraine met en valeur le potentiel énorme des constellations de satellites. »
Aujourd’hui, le secteur des télécoms s’interroge sur ce nouveau mode de connexion à Internet, qui, comme Starlink, promet de connecter tout le globe grâce à des milliers de satellites gravitant en orbite basse autour de la Terre. « Les constellations de satellites commencent à être sur le radar de beaucoup d’opérateurs de télécoms, ce qui n’était pas le cas il y a encore seulement un an », raconte M. Ives.
Ces nouveaux entrants seront-ils des partenaires ou de dangereux concurrents ? « Starlink est un complément naturel des réseaux de télécoms, de la fibre et de la 5G », a voulu rassurer Elon Musk, lors du grand congrès du secteur à Barcelone, en juin 2021. Mais d’autres soulignent le « danger » : « Pour les opérateurs de télécoms, ne pas investir dans les constellations satellites a été une erreur, comme pour les câbles sous-marins », juge Guy Pujolle, professeur émérite au laboratoire d’informatique de la Sorbonne, à Paris. Pour ce spécialiste des réseaux, les constellations pourraient passer de 1,5 % à 10 % ou 12 % du trafic Web mondial d’ici à 2030. « Le débat n’est plus de savoir si les constellations de satellites vont bouleverser les télécoms, mais jusqu’à quel point ? », croit M. Ives.
Starlink est la pointe avancée de ce nouveau segment : l’entreprise a déjà lancé 2 400 de ses 36 000 satellites et revendique 400 000 abonnés. L’opérateur est présent dans 32 pays et promet un réseau mondial. La France vient d’être ajoutée sur la carte : le régulateur des télécoms vient de donner son feu vert ce jeudi. L’indo-britannique OneWeb a, lui, mis sur orbite 428 engins et opère dans une partie de l’hémisphère Nord. Le projet d’Amazon, baptisé « Kuiper », n’a encore envoyé aucun de ses 3 326 satellites dans l’espace, mais prévoit de le faire d’ici à cinq ans avec 83 lancements, notamment de fusées Ariane. Bruxelles souhaite aussi un projet européen. La Chine préparerait, elle, une mégaconstellation de 13 000 satellites.
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