Ils étaient des prosélytes des recherches en sciences humaines et sociales à partir de l’activité de Twitter, ils dissuadent aujourd’hui leurs étudiants de se servir du réseau social devenu X. En cause, la fin de la gratuité de l’API, l’interface de programmation qui permet de connecter des logiciels afin qu’ils s’échangent des données. Mais pas seulement.
Dès 2009, Nikos Smyrnaios, professeur en sciences de l’information et de la communication à l’université Toulouse-III, et Bernhard Rieder, maître de conférences dans la même discipline à l’université d’Amsterdam, avaient collecté plus de 5,8 millions de tweets pour étudier la diffusion de l’actualité sur le réseau. Et ce, grâce à un logiciel d’extraction et d’analyse de données utilisant l’API de Twitter (DMI-TCAT). Aussi Bernhard Rieder a-t-il depuis conçu des logiciels libres rendant possible un tel travail sur une vingtaine de plates-formes dans le cadre du projet CAT4SMR (Capture and Analysis Tools for Social Media Research).
C’était avant octobre 2022 et le rachat du petit oiseau bleu par Elon Musk. Nikos Smyrnaios a arrêté toute étude de X en raison du manque d’accès aux données de la plate-forme. Alors que Twitter fut longtemps un terrain d’enquête privilégié pour la recherche, en raison du caractère public de ses données et de son utilisation par de nombreux acteurs politiques et médiatiques, le professeur dissuade désormais ses étudiants de l’étudier de manière quantitative. « En tant que directeur de thèse, je ne vais pas encourager un étudiant à travailler sur un sujet qui demanderait une approche quantitative, parce que ce ne sera pas possible », explique-t-il.
Pour Bernhard Rieder, la réalisation d’enquêtes quantitatives sur X est toujours faisable et digne d’intérêt, malgré une baisse de son nombre d’utilisateurs quotidiens de 16 % en un an (chiffre du cabinet américain Sensor Tower de septembre). Il admet néanmoins que le changement de modalité d’accès à l’API complique l’étude de X et a sabordé une partie de son travail. Les logiciels qu’il a conçus ne sont plus utilisables par la communauté scientifique gratuitement.
Lors de l’annonce de la fin de la gratuité de l’API, les chercheurs et les doctorants ont récolté en urgence la totalité des données dont ils avaient besoin. Mais certains projets ont dû être abandonnés. Un étudiant de M. Rieder, auteur d’un mémoire sur le fonctionnement de l’API de X, a ainsi dû renoncer à la rédaction d’un article sur le sujet, car ses résultats étaient rendus caducs.
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