Quelle est votre définition personnelle d’un cloud éthique ?
Un cloud éthique n’analyse pas les données, son cadre légal est transparent et il est aussi vertueux que possible sur le plan écologique, social et de l’économie locale. Notre mission est de développer l’indépendance technologique en Europe, sans faire de compromis sur l’écologie, la vie privée et l’aspect social. C’est sur ce modèle et sur ces fondements que nous avons bâti Infomaniak il y a bientôt 30 ans !
Entre moyens techniques et vision stratégique, quelle est votre recette idéale de la confiance numérique ?
La confiance numérique suppose de s’appuyer sur un cadre juridique transparent. Elle implique également de maîtriser toutes les couches techniques et logicielles, des services qui hébergent et traitent les données. Chez Infomaniak, cela est traduit par notre indépendance économique, la création de nos propres centres de données, la gestion de nos infrastructures cloud avec des technologies libres, le développement en interne de nos solutions SaaS ou encore la non-délocalisation de notre personnel.
Cette maîtrise permet également d’offrir un niveau de sécurité plus élevé en particulier les intermédiaires et les prestataires tiers. Cela nous garantit des réactions rapides sur l’ensemble de la chaîne de valeur en cas de nécessité. En fait, notre recette idéale consiste à traiter les données des clients comme on aimerait que les nôtres soient traitées, et de penser le numérique sur le long terme en tenant compte de son empreinte écologique et de son rôle économique.
L’indépendance matérielle et logicielle sont des points clés de votre approche et de votre stratégie de développement, pour quelles raisons ?
L’indépendance économique et technologique sont la base de la confiance numérique et c’est ce qui nous permet de garantir le respect de nos engagements vis-à-vis de nos clients. Cela nous permet d’offrir des prix avantageux et stables à nos clients, car nous ne dépendons pas d’éditeurs tiers ou de licences propriétaires pour délivrer nos prestations.
Sur le plan logiciel, l’utilisation de logiciels open source ou développés par nos soins offre des avantages importants sur le plan juridique, de la vie privée et de la sécurité des données. Les données ne sont pas exposées à des législations extraterritoriales. Le code open source utilisé pour certains services est audité dans le monde entier et notre code est éprouvé par des hackers éthiques qui sont rémunérés pour chaque faille qu’ils identifient. Dès qu’un problème de sécurité potentiel est repéré, nous pouvons immédiatement le trouver et vérifier ses éventuelles dépendances, sans dépendre d’aucun intermédiaire. Sur le plan matériel, la maîtrise de nos centres de données nous permet d’acheter des composants strictement européens.
À l’exception des serveurs et des caméras, nous travaillons exclusivement avec des fabricants européens. Nous avons également fait le choix d’utiliser des SSD et des modules photovoltaïques haute performance entièrement fabriqués en Allemagne. Sur le plan écologique, la maîtrise de nos centres de données nous permet d’innover et d’aller bien plus loin que la neutralité carbone. Depuis 2013, nous refroidissons nos serveurs sans climatisation, avec de l’air extérieur filtré. Notre prochain data center qui sera mis en service en novembre prochain valorisera deux fois l’énergie qu’il utilise : une fois pour faire fonctionner les serveurs et une deuxième fois pour chauffer jusqu’à 6000 ménages.
Sur le plan économique et social, cette indépendance est aussi vertueuse car elle crée de l’emploi, développer les compétences des ingénieurs de demain. Elle soutient l’économie européenne à travers les fournisseurs et les quelque 1000 partenaires informatiques qui utilisent nos solutions pour accompagner leurs clients. Elle représente aussi des retombées fiscales non négligeables là où nous sommes projetés, car nous ne pratiquons pas d’optimisations fiscales comme les géants du Web.
Sur le long terme, cette indépendance technologique représente un avantage comparatif important pour l’économie européenne, car ce savoir-faire peut être valorisé dans le monde entier. Toute l’économie se déplace dans le cloud et se positionne en tant que consommateur final dans cette chaîne de valeur ne nous permettra pas de négocier le respect de nos valeurs ou les tarifs que nous paierons. Sans la maîtrise de nos données, il sera également impossible de les valoriser pour créer des intelligences artificielles puissantes qui seront indispensables pour rester performantes dans certains domaines stratégiques.
Infomaniak a vu le jour en 1994. Depuis le début de l’aventure, l’éthique et le respect de la vie privée étaient au cœur de votre démarche. Alors qu’aujourd’hui les enjeux de souveraineté, d’éthique et de responsabilité sont au cœur de tous les débats (y compris hors du cloud), comment vivez-vous cette confirmation que votre modèle était le bon ?
À l’origine, Internet était un projet décentralisé. Les utilisateurs de l’époque n’accepteraient jamais ce qui se passait aujourd’hui avec leurs données. Ils n’acceptaient pas davantage les décisions de nos gouvernements en matière de cloud s’ils étaient réellement conscients de ce que cela implique pour l’avenir économique et stratégique de l’Europe. Nous sommes heureux que les pouvoirs publics et les entreprises prennent enfin conscience que l’éthique, la vie privée et l’écologie sont des questions primordiales car elles entraînent des répercussions concrètes pour nos sociétés. Il n’est pas trop tard pour agir et investir massivement dans des infrastructures et des solutions logicielles réellement souveraines qui sont en accord avec nos intérêts et nos ambitions écologiques.