Les internautes adultes, qu’ils s’y résignent ou s’y opposent, savent que leur navigation sur le Web laisse des traces, exploitées pour afficher des contenus ou des publicités personnalisés. Les enfants, en Europe ou aux Etats-Unis, sont censés être protégés de ce genre de pratiques par les réglementations. Mais une équipe de recherche française (CNRS, universités de Lille et Genoble-Alpes) a montré, lors de la Conférence sur la sécurité des ordinateurs et des communications à Copenhague, le 27 novembre, que cette protection avait des faiblesses. Leur travail porte sur des vidéos de YouTube destinées aux enfants. Résultat, le marketing ciblé sur les jeunes est possible et il est pratiqué !
Six cent vingt vidéos, réparties en trois groupes, ont été collectées, les unes avec le label « YouTube for Kids », les autres pour enfants, mais sélectionnées à la main, hors du label, et enfin des vidéos non destinées aux enfants. Deux spots « maison » promouvant un office de tourisme et le site d’un vidéaste ont ensuite été placés sur chacune des vidéos. « Nous ne pensions pas qu’il était possible de cibler une vidéo en particulier », indique Oana Goga, chercheuse CNRS au laboratoire d’informatique de l’Ecole polytechnique.
Deuxième « surprise », elle a lancé une campagne plus ciblée en sélectionnant des utilisateurs par intérêt (comme le sport, le shopping…), ce que propose YouTube. Les publicités sont passées ! Pour le groupe de vidéos pour enfants, mais aussi pour celui labélisé par YouTube. Une entreprise spécialisée dans l’analyse des publicités, Adalytics, avait aussi remarqué en août cette bizarrerie qui enfreint a priori la réglementation américaine. Mais YouTube avait critiqué l’étude qui portait sur des « chaînes » pour enfants, qui contiennent aussi des vidéos non labélisées. Contactée par Le Monde, la plate-forme ne nous a pas répondu au sujet de cette nouvelle étude.
Ciblage contextuel
Ce premier résultat montre qu’un annonceur, en choisissant un type de vidéo éventuellement regardé par peu de personnes, par exemple des vidéos « beauté », a les moyens de cibler différents profils. « Nous ne savons pas si les régulateurs sont conscients que ce ciblage dit “contextuel”, autorisé, permet un marketing qui peut être assez fin. C’est pourquoi nous alertons pour faire évoluer les législations », indique Oana Goga.
D’autant qu’une autre batterie d’expériences a montré que ce ciblage contextuel est effectivement utilisé. Six profils automatiques de navigation ont visionné en même temps les 620 vidéos et collecté plus de 3 000 publicités diffusées. Comme YouTube fournit aux utilisateurs les raisons de l’affichage d’une publicité (historique de recherche, genre, âge, heure de la journée…), l’étude a noté que 7 % des publicités dans des vidéos pour enfants sont très probablement le résultat d’un ciblage contextuel, basé sur le contenu de la vidéo.
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