des réponses très diverses à une question désormais centrale

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En cinq ans, le regard de l’industrie sur les joueurs en situation de handicap a changé : « On ne nous regarde plus avec des yeux ronds et vitreux quand on parle aujourd’hui d’accessibilité dans le jeu vidéo », explique le chercheur Jérôme Dupire, président de Capgame, une association spécialisée. De plus en plus de jeux proposent des réglages d’accessibilité : les couleurs, interfaces, pistes de son, assistance à la visée ou les modes de difficultés peuvent être ajustés dans les menus. « Même s’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir, la progression est exponentielle », juge ce maître de conférences spécialiste de l’accessibilité du numérique au Conservatoire national des arts et métiers.

Un essor encouragé, selon lui, par la manette adaptative Xbox de Microsoft datant de 2018. Cet objet plat et entièrement paramétrable a amené le jeu vidéo à un public pour qui les périphériques officiels étaient inadaptés. La même année, l’extension au domaine du jeu vidéo de la loi américaine sur l’accessibilité des télécommunications et de la vidéo a aussi facilité l’émergence du surtitrage et de l’audiodescription. Et les répercussions du mouvement #metoo ont contribué à libérer la parole sur le handicap, notamment sur les réseaux sociaux, considère Jérôme Dupire.

La dernière évolution en date du secteur est le lancement, le 6 décembre, de la manette Access de Sony. Cet objet rond et ajustable destiné aux PlayStation 4 et 5 permet de connecter des boutons externes plus gros encore, comme ceux de la marque Logitech, qui avait conçu le même type de dispositif pour la manette Xbox.

Les professionnels du jeu vidéo font généralement appel à des cabinets spécialisés ou des associations telles que Capgame pour développer leurs options d’accessibilité. « Il y a des choses aujourd’hui identifiées comme des incontournables parce que ce sont celles qui sont les plus demandées par les joueurs et joueuses en situation de handicap. C’est le cas du surtitrage ou des ajustements de couleurs pour ceux qui en ont une perception différente », détaille Jérôme Dupire.

« Jouer autrement »

L’addition d’autres paramètres dépend ensuite du type de jeu et du budget du studio. « Mais on en arrive rapidement à la complexité du handicap… Nous préférons faire la promotion du “jouer autrement”. Cela passe par une multitude d’alternatives au design d’origine », détaille l’universitaire.

Ce type d’initiative peut aboutir à des modes de jeux innovants : la simulation automobile Forza Motorsport, sortie en octobre sur PC et Xbox, a une option qui s’adresse aux non-voyants. La conduite y est guidée par des signaux sonores localisés qui arrivent à un rythme plus élevé lorsque le véhicule sort de la route ou rencontre un obstacle.

Voir les géants de l’industrie s’emparer de la problématique est « un signal fort », considère Jennifer Gomes, e-sportive et membre du conseil d’administration d’Afrogameuses, une association promouvant l’inclusivité. Cette « fille des années 1980 » joue avec sa main gauche depuis ses 8 ans. Le passage des manettes plates des deux premières Nintendo à celles à double joystick à partir de la PS3 (2006) lui avait compliqué la tâche : « Les accessoires officiels sont devenus difficiles à prendre en main, il fallait que j’aille vers des modèles plus épais chez les constructeurs tiers », se souvient-elle.

Jennifer Gomes, dont la main et le bras droits sont paralysés, pratique de façon compétitive le jeu de combat « Street Fighter 6 ». Sur Twitch, une caméra montre sa manette en temps réel.

Pour les tournois et les parties diffusés sur sa chaîne Twitch sous le nom d’Amelitha, elle est équipée d’une manette japonaise, assez grosse, qui propose deux boutons supplémentaires sur le dessus. Mais le modèle sur lequel elle s’entraîne commence à dater. Pour le remplacer, elle est allée chercher l’aide d’un atelier collaboratif (« FabLab ») de Lorraine pour concevoir un modèle sur-mesure : « On a un peu charcuté une manette de PlayStation 5 pour l’adapter à mes problématiques puis utilisé de l’impression 3D. Elle est compatible sur cette console et sur PC, je n’aurai donc pas besoin d’un adaptateur pour les tournois. »

Troquer sa manette contre un smartphone

Les efforts de l’industrie sont manifestes mais les professionnels sont encore en retard sur les professionnels de la bidouille, considère l’inventeur et vidéaste Valentin Squirelo : « Aujourd’hui c’est le milieu des “makers” [des créateurs qui se revendiquent de la culture du “do it yourself”, “fais-le toi-même”] qui répond à la majorité des besoins des personnes handicapées. Parce que justement la rentabilité économique est souvent assez dure à trouver », évoque ce trentenaire.

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Le smartphone ouvre pour lui de nouvelles perspectives. Depuis début 2023, Valentin Squirelo développe le logiciel playAbility. Il utilise les technologies de reconnaissance faciale et le microphone intégrés aux téléphones pour assigner un mouvement ou un son déterminé par le joueur à une action du jeu. Par exemple, au lieu de presser un bouton d’une manette pour sauter, il peut choisir de faire un mouvement de tête ou de la bouche. Cette trouvaille lui a valu une médaille d’or au concours Lépine de 2023. « J’utilise des algorithmes qui tournent sur n’importe quel téléphone bas de gamme. Ils n’étaient pas encore disponibles il y a quelques années. On est à un moment de rupture technologique », s’enthousiasme celui qui partage ses trouvailles sur sa chaîne YouTube.

Les réseaux sociaux ont aussi propulsé le sujet au cœur du débat public, comme le souligne Anthony, vidéaste plus connu sous le nom de Sans les mains : « Il y a très peu de communication officielle sur le sujet. Mais des chaînes comme la mienne peuvent renseigner les internautes. » Le Savoyard de 35 ans est tétraplégique depuis un accident de moto à l’âge de 20 ans. En 2019, il a découvert, « par ses propres moyens », la manette adaptative de Microsoft et la possibilité d’y connecter un joystick à la bouche et des boutons externes.

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Passionné de jeux de tir multijoueurs (Call of Duty ou Fortnite), il s’est reconverti en streameur. Cette activité l’occupe « une cinquantaine d’heures par semaine », si l’on compte les montages de ses vidéos. « Quand je joue en ligne et que je dis aux autres membres de l’équipe que je suis handicapé, 80 % des gens pensent que c’est faux !, s’amuse-t-il à dire. C’est une bonne chose de pouvoir en discuter, ça permet de casser des barrières. » La dimension sociale du jeu vidéo apporte parfois autant que ses plaisirs purement ludiques.



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