Toutes les montres connectées ne se valent pas. Les modèles les moins recommandables produisent des relevés complètement fantasques : ils surestiment le rythme cardiaque de 50 % et comptent le double de pas marchés. Mais certaines montres – issues des gammes de Garmin, Coros, Fitbit, Apple ou Samsung, par exemple – fournissent des mesures plus précises. Suffisamment pour nous aider dans notre quête d’une meilleure forme et d’une santé de fer ?
Voici un instantané des services, somme toute encore assez modestes, que les meilleurs modèles rendent aujourd’hui. Dans les prochaines années, leurs aptitudes devraient progresser au rythme assez lent de leurs améliorations technologiques et au tempo, plus paisible encore, des études médicales. Ce sont elles qui permettent de s’assurer de leurs forces et d’identifier leurs faiblesses, que les fabricants s’efforcent d’améliorer.
Activité
Pour suivre l’évolution de notre forme physique, mieux vaut éviter de scruter trop attentivement les mesures des montres connectées : leur précision est très relative. Elles ont tendance à surestimer le nombre de pas marchés dans une journée, détectant des pas fantômes lorsqu’on est allongé ou assis. Il suffit de plier du linge pendant cinq minutes, sans jamais bouger les jambes, pour qu’une centaine de pas fantômes soient ajoutés au décompte journalier.
Dans ces conditions, mieux vaut éviter d’accorder trop d’importance aux faibles écarts de pas d’une journée à l’autre. A noter, pour réduire le nombre de pas fantômes, qu’il vaut mieux porter la montre sur le bras non dominant – le gauche lorsqu’on est droitier.
Ce chiffre d’activité, porté à notre connaissance, nous pousse-t-il réellement à améliorer notre forme ? La recherche est contradictoire : une étude australienne fait état d’une hausse réelle des pas marchés quotidiennement, mais une étude de l’Université de Floride souligne que les montres connectées font rarement perdre du poids.
La clé vient peut-être d’un suivi sur la durée, accompagné d’un médecin, car les possesseurs de montres connectées ont parfois tendance à les abandonner, à l’image de la journaliste américaine Lindsay Crouse : « [A cause de ma montre], faire de l’exercice ne m’aidait plus à repousser la pression : cela en ajoutait », écrit-elle. Le suivi de l’activité peut également déclencher des comportements addictifs mal vécus. Toutes les personnalités ne s’accordent pas avec les montres.
Calories
Beaucoup de modèles de montres connectées donnent des estimations journalières de calories consommées. Dans un monde idéal, cela devrait permettre de faire correspondre ses dépenses énergétiques avec les calories ingérées au cours des repas. Mais ces estimations sont erronées, selon un large consensus de la communauté scientifique. La mesure de l’énergie dépensée est très approximative et la connaissance des porteurs de montres, imparfaite – le taux de masse grasse et les particularités métaboliques varient notamment d’une personne à l’autre.
Course
Les montres connectées sont un assez bon auxiliaire pour les coureurs, mais les sportifs en quête de performances doivent les considérer avec prudence, car leur précision n’est pas parfaite. Les meilleures montres évaluent parfois les distances avec un écart de deux ou trois pour cent. Pour peu qu’elles soient équipées d’un GPS, leurs errements sont bien visibles sur la carte : leur tracé empiète sur les routes et les rivières.
Les meilleurs modèles sont suffisamment fiables pour lire le rythme cardiaque durant une course à rythme constant, mais, lors d’un entraînement intermittent, la fréquence se hisse souvent à vingt battements au-dessus du rythme réel. Ces écarts sont tolérables, sauf pour un athlète de haut niveau.
Sommeil
Le suivi du temps de sommeil est relativement efficace pour les personnes qui s’endorment instantanément au contact de leur oreiller – hormis quelques erreurs occasionnelles. Mais les montres connectées ont tendance à surestimer les nuits des personnes qui restent immobiles longtemps avant de s’endormir.
Pis : leurs mesures sont complètement erronées lorsqu’elles prétendent distinguer les phases de sommeil profond et paradoxal – qui nécessitent encore aujourd’hui un appareillage lourd, capable de mesurer les ondes cérébrales, les mouvements des yeux, le volume d’air inspiré, etc. Pour le moment, mieux vaut donc éviter de faire confiance aux montres connectées prétendant donner un score de qualité du sommeil.
En outre, la recherche a relevé de nombreux cas de patients consultant ces mesures du sommeil de façon obsessionnelle, alimentant leur niveau de stress au point de perturber leurs nuits, plutôt que de les améliorer. Une étude anglaise de l’université d’Oxford pointe les risques psychologiques d’un mauvais indicateur de sommeil, susceptible d’accentuer la sensation de fatigue ressentie et d’entraîner une spirale négative.
Maladies
A ce jour, les montres connectées sont capables de détecter bien peu de maladies. Leur ambition se concentrant pour l’essentiel sur les pathologies respiratoires et cardio-vasculaires, avec une utilité toute relative.
Cette maladie touche 4 % de la population, elle n’est diagnostiquée que chez 20 % des patients et peut causer une insuffisance cardiaque grave. Les montres connectées sont de plus en plus souvent équipées d’un oxymètre qui permet de mesurer les chutes d’oxygène dans le sang.
Après une nuit aux chutes fréquentes, la plupart des montres se gardent bien de lancer une « alerte apnée ». C’est à l’utilisateur de consulter les courbes d’oxygène nocturnes et de les interpréter, ce qui est délicat, d’autant que les mesures sont difficiles à effectuer correctement et que leur précision chute chez certaines personnes. Beaucoup de fabricants insistent sur le fait que ces mesures ne doivent pas être utilisées à des fins médicales.
La montre Scanwatch de la marque Withings est plus ambitieuse : elle donne une indication des perturbations respiratoires nocturnes (basses, moyennes ou élevées). En 2020, Withings a d’ailleurs lancé une étude comparant la détection des apnées de sa Scanwatch avec celle d’un matériel de laboratoire.
Cette étude a pourtant disparu en 2021 de sa page référençant les travaux scientifiques engagés. Selon un porte-parole de Withings contacté par Le Monde, l’étude est toujours en cours, sans que sa date de conclusion soit connue. La marque précise qu’elle continue de faire évoluer ses algorithmes.
La Scanwatch de Withings est l’une des rares montres qui envoient une alerte en cas d’arythmie, comme l’Apple Watch, qui émet, en outre, une alerte lorsque le rythme cardiaque ralentit trop ou accélère de façon excessive. Cette surveillance ne permet, hélas, de détecter qu’une toute petite partie des maladies cardio-vasculaires, comme le précisait au Monde en 2018 Philippe Steg, chef du service de cardiologie à l’hôpital Bichat.
Dans de bien rares cas, ces montres peuvent sauver des vies. Mais, pour chaque vie sauvée, elles poussent d’autres patients à s’engager dans des traitements dangereux pas forcément nécessaires. Ou, pis, elles peuvent donner à certains une fausse impression de protection, les poussant à ignorer des sensations corporelles qui les auraient conduits, en temps normal, à consulter pour, par exemple, un infarctus, pathologie assez fréquente.
Selon divers cardiologues, les montres connectées pourraient toutefois avoir un sens pour suivre au quotidien des patients aux problèmes connus, particulièrement les personnes âgées, ou des patients qui présentent des facteurs de risque comme le tabac, l’alcool, l’hypertension, le diabète, le cholestérol, le surpoids.
Le capteur d’oxymétrie qui peut détecter une insuffisance respiratoire, associé à d’autres capteurs présents dans certaines montres, permet-il de diagnostiquer le Covid-19 suffisamment tôt pour que la personne puisse s’isoler avant d’être contagieuse ? Ça n’est pas certain, d’après une étude néerlandaise : la détection est peut-être trop tardive. En outre, les montres connectées ont tendance à confondre le Covid-19 avec d’autres maladies comme la grippe.
Ces montres pourraient en revanche être utiles lorsque la maladie s’est déclarée, pour suivre les taux d’oxygène et alerter un médecin au cas où une hospitalisation semblerait nécessaire. Mais il existe d’autres appareils de mesure portatifs plus sûrs, qui mesurent l’oxygène sur le bout du doigt et qui ont été distribués à des patients américains pendant la pandémie.