L’ancien journaliste de BFM-TV, Rachid M’Barki, licencié à l’issue d’une enquête interne, a été mis en examen le 8 décembre des chefs d’« abus de confiance » et de « corruption privée passive », a appris Le Monde de source judiciaire, et comme l’a révélé Libération mardi 19 décembre. C’est un nouveau rebondissement dans la vaste enquête menée sur des soupçons d’ingérence étrangère en France, et dans laquelle sont notamment visés un lobbyiste et un spécialiste du Qatar.
En janvier, BFM-TV avait été alertée sur plusieurs extraits du journal de M. M’Barki, au contenu étonnant, découverts dans le cadre d’une enquête sur les acteurs de la désinformation menée par Forbidden Stories et un consortium de médias internationaux, dont Le Monde. La chaîne avait alors suspendu l’animateur et diligenté une enquête interne, au cours de laquelle il est apparu que le journaliste avait diffusé un certain nombre de séquences sans suivre le circuit de validation habituel de la rédaction. Il a ensuite été licencié en février pour faute grave. Selon Libération, BFM-TV a identifié treize séquences jugées suspectes.
Plusieurs campagnes d’influence
Certaines de ces images pourraient avoir été diffusées dans le cadre de campagnes de désinformation menées par Team Jorge, une officine israélienne vendant ses services aussi bien à des acteurs privés qu’étatiques : elles étaient ensuite découpées et rediffusées par des sites d’information et réseaux de faux comptes appartenant à Team Jorge ou ses intermédiaires.
Le Monde avait, par exemple, identifié deux sujets, diffusés dans le journal de la nuit à la fin de 2022 et portant sur Ali Bin Fetais Al-Marri, l’ancien procureur général du Qatar. Ce dernier est tombé en disgrâce en 2021 et visé par une information judiciaire du Parquet national financier (PNF) pour « blanchiment de corruption d’agent public étranger », « blanchiment de détournement de fonds publics », « blanchiment d’abus de confiance » et « corruption active de personne dépositaire de l’autorité publique ».
Ces éléments diffusés par BFM avaient pour but de présenter M. Al-Marri comme le principal visage de la corruption organisée par le Qatar. D’autres séquences, diffusées à peu près à la même période, s’attaquaient, pour leur part, à une entreprise du secteur du yachting à Monaco. Plusieurs médias, dont Libération et Politico, ont également révélé d’autres sujets du journal de la nuit portant à soupçons, et traitant aussi bien du Soudan que des Emirats arabes unis.
Contacté, l’avocat de M. M’Barki, François Berbinau, n’a pas répondu à nos sollicitations. Le journaliste s’était défendu au cours de son audition devant la commission d’enquête parlementaire sur les ingérences étrangères, en mars, assurant faire l’objet « d’accusations injustes ». L’ancien présentateur, qui a longuement séjourné au Maroc après les révélations, a par ailleurs toujours nié avoir été rémunéré pour diffuser des images à l’antenne.
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