Alors que notre ère se caractérise par l’influence disproportionnée de l’humanité sur la planète, nous traversons nous-mêmes une période de profonds changements. De plus en plus, des machines réalisent des tâches que seuls les humains pouvaient accomplir, et nombre de ces tâches font appel à la créativité.
Loin d’être une possibilité théorique lointaine, l’intelligence artificielle (IA) est arrivée – et elle est là pour rester. A considérer son potentiel, il est tentant d’adhérer à l’optimisme technologique des années 1990, quand Deep Blue (l’ordinateur d’IBM), en 1997, a vaincu le champion du monde d’échecs Garry Kasparov.
Cet événement a suscité l’intérêt de nombreuses disciplines quant à la manière dont l’IA pourrait être déployée et commercialisée dans d’autres domaines. Mais il est tentant d’adopter le point de vue opposé en soulignant que l’IA pourrait devenir une menace intolérable pour l’emploi, voire menacer l’humanité elle-même.
Ces deux réactions n’ont rien de nouveau, elles accompagnent souvent l’apparition de grandes innovations. Elles sont entachées de la même erreur : considérer le progrès technique comme s’il s’agissait d’un facteur qui nous échappe. Aujourd’hui, les optimistes s’intéressent avant tout à ce que l’IA peut faire pour nous, tandis que les pessimistes s’inquiètent de ce qu’elle fera de nous. Or, la question est de savoir ce que nous ferons avec l’IA.
Dialogue entre l’expérimentation et la tradition
Cette question est aussi pertinente pour les beaux-arts que pour la finance, malgré les différences apparentes entre ces domaines d’activité essentiellement humaine. On appréhende mieux l’art des nouveaux médias si on le considère comme un dialogue entre l’expérimentation et la tradition.
Aspiration humaine à la nouveauté et tradition sont dépendantes l’une de l’autre : c’est par la connaissance de ce qui a précédé une œuvre d’art que nous pouvons comprendre en quoi elle innove. Aucune œuvre n’est totalement indépendante du passé, de même que l’on ne peut appréhender la lumière en l’absence d’obscurité.
L’IA générative repose elle aussi sur l’interaction entre le passé et le présent. En puisant dans le passé de l’expression humaine – les grandes bases de données –, elle peut avoir des applications quasi universelles et faciliter l’innovation dans de nombreux domaines de la culture et de l’industrie. Cette approche de l’IA nous a conduits à poursuivre notre projet collaboratif Dvorak Dreams.
Dans ce cadre, nous avons utilisé la puissance de l’apprentissage automatique par les machines pour transformer les compositions, les archives visuelles et l’héritage d’Antonin Dvorak (1841-1904), le célèbre compositeur tchèque, en une installation de 100 mètres carrés. Elle a été exposée en septembre 2023 à Prague lors du festival annuel Dvorak devant la salle de concert Rudolfinum, un bâtiment classé au Patrimoine mondial de l’Unesco.
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