C’est le premier jour de congé maternité pour Florence. Fini, les trois cents e-mails quotidiens, fini, la peur de rater une information importante. En attendant son premier enfant, la directrice d’hôpital peut enfin souffler. Elle attrape son téléphone, sélectionne machinalement une icône rose orangée, et commence à faire défiler les posts Instagram. « J’y ai passé cinq heures et demie », se souvient-elle, encore effarée. « Je me suis dit que j’allais devenir débile. » C’était il y a cinq ans. Ce jour-là, cette Parisienne « accro à l’immédiateté » prend une décision : se « rééduquer », afin de limiter son temps d’écran et donner l’exemple à ses futurs enfants.
Comme elle, plus de cent trente personnes ont répondu à un appel à témoignages du Monde, racontant leur lutte personnelle pour modérer leur rapport aux écrans : un combat contre eux-mêmes, avec des réussites, des échecs, des rechutes, et des astuces plus ou moins radicales.
Réseaux sociaux, messageries, divertissement, travail… Les Français passent en moyenne trente-deux heures par semaine devant un écran, selon le dernier baromètre du numérique, enquête menée par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), soit près d’un tiers du temps disponible hors sommeil. Un sujet dont s’est saisi l’exécutif, en tout cas pour les enfants : Emmanuel Macron a affiché, le 17 janvier, son intention de réguler leur usage des écrans.
« Comme Ulysse qui tente de résister au chant des sirènes »
Mais quand Florence, désormais mère de trois enfants, les accompagne jouer au parc, ce sont bien les parents qui ont tous les yeux rivés sur leur téléphone. « On se dit que nos gosses sont accros, mais c’est nous qui leur montrons ça ! » Alors, pour se restreindre, elle accumule les mesures : suppression des notifications, fermeture de ses comptes Instagram, Facebook et X ou encore utilisation du mode « ne pas déranger », qui n’autorise que quelques numéros à sonner.
« Je suis comme Ulysse qui tente de résister au chant des sirènes », sourit celle qui se force aussi à éteindre son téléphone en rentrant le soir, puis à « le ranger dans un sac lui-même rangé dans une pièce ». Et ça marche : « Le téléphone m’intéresse un peu moins. Je relis des livres. Et comme je n’ai plus les réseaux sociaux, je ne perds pas une demi-heure sur l’influenceuse qui me montre sa nouvelle armoire. »
S’éloigner physiquement de son téléphone est une stratégie souvent citée. En particulier dans la chambre à coucher, où certains l’ont banni et remplacé par un bon vieux réveille-matin. Avec des bénéfices sur le temps de sommeil, la lecture, mais aussi « la vie intime », à en croire Benoît, ingénieur dans le bâtiment de 34 ans.
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