Diffusion de deepfakes, vente de faux médicaments, exploitation de données personnelles sensibles pour le ciblage publicitaire… Bruxelles a poursuivi, jeudi 14 mars, un vaste tour de vis contre les grandes plates-formes en ligne, visant notamment les chinois TikTok et AliExpress.
La Commission européenne a annoncé l’ouverture d’une « enquête formelle » contre le site de commerce en ligne AliExpress, filiale du géant chinois Alibaba. Il est soupçonné de ne pas avoir respecté ses obligations en matière de lutte contre la vente de produits dangereux – comme des faux médicaments.
Il s’agit de la troisième enquête ouverte dans le cadre du nouveau règlement sur les services numériques (DSA) entré en application depuis fin août pour mieux protéger les consommateurs contre les pratiques illégales des géants de l’Internet. Les deux premières enquêtes, ouvertes en décembre et en février, ciblaient respectivement le réseau social X, soupçonné de ne pas suffisamment lutter contre la désinformation, et TikTok, propriété du chinois ByteDance, pour des manquements présumés à ses obligations de protection des mineurs.
« Le DSA tourne à plein régime et nos équipes (…) charg[é]e de le faire respecter à travers l’Europe sont pleinement mobilisées », s’est félicité le commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton. La Commission européenne a également réclamé jeudi des explications à huit grands services en ligne, dont TikTok, Facebook, Google, YouTube et X, sur la façon dont ils gèrent les risques liés à la diffusion de contenus manipulés (des deepfakes).
Inquiétudes pour les élections
A trois mois des élections européennes, Bruxelles s’inquiète notamment de l’impact sur la campagne électorale de ces sons, ces photos et ces vidéos truquées grâce à l’intelligence artificielle générative. La Russie, en particulier, est régulièrement accusée de tentatives de manipulation de l’opinion dans les pays occidentaux par la promotion d’informations truquées sur les réseaux sociaux.
La Commission a par ailleurs réclamé jeudi des explications au réseau social professionnel LinkedIn, du groupe américain Microsoft. Il est soupçonné d’exploiter certaines données personnelles sensibles de ses utilisateurs (orientation sexuelle, opinions politiques…) à des fins de ciblage publicitaire. Le DSA impose de nouvelles obligations aux plates-formes en ligne dans leurs pratiques de profilage des utilisateurs, et de transparence dans les paramètres utilisés pour les publicités ciblées.
A ce stade, cette demande d’informations ne constitue pas une mise en cause. Tout comme celle concernant les deepfakes, il s’agit de la première étape d’une procédure pouvant conduire à l’ouverture d’une enquête formelle, puis à de lourdes amendes en cas d’infractions avérées.
Le règlement sur les services numériques s’applique déjà, depuis fin août, aux plates-formes en ligne les plus puissantes comme X et TikTok, ainsi que les principaux services de Meta (Facebook, Instagram), Apple, Google, Microsoft ou Amazon. Au total, vingt-deux très grands acteurs de l’Internet, dont trois sites pornographiques, ont été placés sous la surveillance directe de la Commission européenne, qui a recruté plus d’une centaine d’experts à Bruxelles pour assumer son nouveau rôle de gendarme du numérique. Les contrevenants s’exposent à des amendes pouvant atteindre jusqu’à 6 % de leur chiffre d’affaires annuel mondial, voire à une interdiction d’opérer en Europe en cas de violations graves et répétées.