Interroger à voix haute des personnages de jeux vidéo et les voir vous répondre de manière improvisée, grâce à l’intelligence artificielle (IA) générative. Telle est la promesse formulée par Neo NPC d’Ubisoft ou Nvidia ACE, des prototypes respectivement présentés à la Game Developers Conference de San Francisco, le 20 mars, et au Consumer Electronics Show de Las Vegas, en janvier.
Pour le moment, aucun jeu mis sur le marché n’intègre ces technologies recourant à des apprentissages neuronaux, gourmands en ressources et en énergie. Mais elles interrogent : vont-elles mettre KO les traditionnelles IA qui, dans les jeux vidéo, définissent le fonctionnement des mondes et les comportements des personnages non-joueurs (PNJ) ?
Dès sa naissance, l’IA a noué une relation avec le jeu. On en retrouve la trace dès 1956, lorsque sont formulés le nom et les principes de cette discipline scientifique durant des ateliers au Dartmouth College, une université du New Hampshire. « Parmi les objectifs visés, il y avait celui de créer un joueur d’échecs », explique Eric Jacopin, programmeur pour le studio Hawkswell et ancien responsable du laboratoire d’informatique de l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr.
Des fantômes et des lombrics
Il faut néanmoins attendre les premiers succès du jeu d’arcade pour que le grand public découvre les IA ludiques. La popularité de Pac-Man (1980) n’aurait ainsi pas été la même sans l’IA animant les quatre fantômes qui font face au héros glouton. C’est grâce à elle que ceux-ci alternent entre différents rôles – neutre, agressif ou fuyant – dans le célèbre titre de Namco.
Guidés par le modèle mathématique de l’automate avec un nombre fini d’états, ils passent de l’un à l’autre en fonction des actions du joueur et de périodes attribuées à chaque comportement. A ce système se superpose la personnalité individuelle de chaque fantôme. Par exemple, le rouge est un chasseur inlassable tandis que le rose tend des embuscades.
Révolutionnaires aux débuts des jeux vidéo, ces IA ne bluffent pas longtemps les joueurs avertis. « On peut esquiver les comportements parce que ce qui est modélisé est très simple, avance Eric Jacopin. Les fantômes sont un peu comme les lombrics, qui n’ont que trois cents neurones dans leur cerveau et ne réagissent qu’à des stimulus simples. » Dès 1982, un livre est d’ailleurs publié pour apprendre à les anticiper : How to Win at Pac-Man (Pocket Books, non traduit).
Ms. Pac-Man (1982), conçu par les Américains de General Computer Corporation, vient alors complexifier la donne. La machine intègre une part de hasard dans les changements d’états et les routines des adversaires. « Les humains sont très performants pour anticiper les choses qu’ils ont déjà vues auparavant. Donc quand les fantômes sont devenus plus aléatoires, la difficulté est montée d’un cran et le fun aussi. Dans les termes de l’IA, on traduit cela comme le passage d’un problème déterministe à un problème non déterministe », résume Tommy Thompson, consultant en IA pour l’industrie du jeu vidéo, qui vulgarise ces sujets sur la chaîne YouTube AI and Games.
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