Vingt-sept élections. Et autant d’occasions pour des opérations, ciblées ou générales, de propagande visant à influer sur les résultats du scrutin : du 6 au 9 juin, 360 millions d’électeurs sont appelés aux urnes pour élire leurs députés européens. « 2024 est une année cruciale pour lutter contre les opérations d’ingérence informationnelles étrangères », estimait, en janvier, Josep Borrell, le chef de la diplomatie de l’Union européenne (UE), pour qui « les élections [nationales comme européennes] deviendront la cible privilégiée d’acteurs étrangers malveillants ».
Ces dernières semaines, plusieurs gouvernements et services de renseignement européens ont publiquement dénoncé des opérations de désinformation les visant. En République tchèque et en Pologne, les services secrets ont annoncé avoir démantelé un réseau de corruption et de propagande prorusse, centré autour du site Voice of Europe. En France, où le Quai d’Orsay a dénoncé plusieurs campagnes d’ingérence menées par le réseau russe dit « RRN », ou « Doppelgänger », le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a évoqué, début avril, la mise en place d’un « régime de sanctions dédiées à ceux qui soutiennent les entreprises de désinformation ».
Davantage que les élections nationales, le scrutin européen souffre de faiblesses structurelles face aux opérations de déstabilisation. La participation y est historiquement faible, et dans les pays les moins peuplés de l’UE, des campagnes d’influence peuvent, même en ne touchant qu’un nombre limité d’électeurs, avoir des répercussions importantes. Par ailleurs, avec vingt-sept pays concernés simultanément, les ressources des réseaux sociaux sont sous pression, notaient plusieurs responsables de la Commission européenne lors de la présentation des nouvelles mesures sur la modération des grandes plates-formes issues du Digital Services Act (DSA, la législation européenne sur les services numériques), en mars.
Sites de propagandes et opérations hybrides
Le scrutin aura valeur de test à grande échelle pour le DSA, qui prévoit des mesures contraignantes et des obligations de transparence en matière de modération par les grandes plates-formes. Si personne ne considère le texte comme une baguette magique permettant de régler tous les problèmes, ce dernier « va changer beaucoup de choses pour les plates-formes qui n’ont pas de modération, ou presque pas », remarque Valentin Chatelet, chercheur au Digital Forensic Research Lab, l’une des organisations non gouvernementales les plus en pointe dans l’étude des tentatives d’ingérence.
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