Temu vient de déclarer le nombre de ses utilisateurs mensuels européens, qui s’élèveraient à 75 millions, soit bien plus que le seuil des 45 millions des « très grosses plateformes » définies par le DSA, le Digital Services Act ou règlement européen sur les services numériques. Si une société est désignée comme telle par la Commission européenne, elle doit respecter des obligations plus strictes : ce qui donnerait du grain à moudre aux détracteurs du site de e-commerce chinois, qui dénoncent des pratiques abusives.
On savait déjà que Temu était dans le collimateur des autorités européennes. Mais la plateforme chinoise pourrait très prochainement être désignée comme une « très grande plateforme » au sens du DSA, le Digital Services Act ou règlement européen sur les services numériques. La place de marché controversée, sur laquelle on peut trouver autant des produits high tech que du prêt-à-porter made in China à prix cassés, vient de publier, ce vendredi 12 avril, le nombre de ses visiteurs mensuels européens sur son site. Ils s’élèvent à 75 millions, soit bien plus que ce qu’elle avait précédemment déclaré. L’information, repérée par Politico, pourrait changer les choses pour cette entreprise, détenue par le géant chinois du commerce électronique PDD Holding.
Temu, qui s’est lancé sur le marché européen en avril 2023, est déjà soumis au DSA depuis février dernier – comme toutes les sociétés ayant une activité sur le Web en Europe. Mais si un acteur économique a plus de 45 millions de visiteurs mensuels sur le Vieux continent (correspondant à 10 % de la population totale de l’UE), il peut être désigné par la Commission européenne comme une très grande plateforme en ligne ou « VLOP » (« Very large online platforms ») – avec pour conséquence de devoir respecter des normes bien plus importantes.
Temu épinglé en Allemagne pour « ses incitations à l’achat manipulatrices »
Une VLOP doit par exemple expliquer comment ses services publicitaires et ses algorithmes sont utilisés, et analyser, tous les ans, « les risques systémiques » provoqués par son service. Elle est contrainte de supprimer le contenu illégal et de vérifier l’identité des vendeurs sur sa place de marché – avec notamment tout un pendant sur les objets contrefaits ou dangereux. Autre point : une VLOP ne peut plus recourir aux « dark patterns » – des interfaces destinées à manipuler l’utilisateur au moment de faire un choix. De quoi donner du grain à moudre et de nouvelles armes juridiques au gouvernement allemand et à certaines associations, qui sont vent debout contre la plateforme.
Cette semaine, des membres du gouvernement ont en effet demandé, outre Rhin, que des mesures soient prises à l’encontre de Temu, en raison de « nouvelles et constantes incitations à l’achat manipulatrices » du site. « Des jeux, des roues de la fortune, des comptes à rebours, etc. suggèrent des réductions incroyables et des bonnes affaires » – à tort, regrettait Christiane Rohleder, la secrétaire d’État à la protection des consommateurs, dans les pages du média allemand Table Media.
De moins de 45 à 75 millions en sept mois ?
Et jusqu’à présent, Temu avait échappé à cette catégorie du DSA, et donc à ces nombreuses nouvelles obligations. En septembre dernier, la société avait déclaré qu’elle n’atteignait pas le seuil d’utilisateurs de 45 millions, pour être considérée comme une VLOP. Mais désormais, ce seuil a été plus qu’atteint : ce sont près de 75 millions d’Européens, selon Temu, qui visiteraient chaque mois la plateforme.
Cette déclaration est loin d’être spontanée. En mars dernier, l’autorité irlandaise en charge de faire respecter le DSA dans le pays – Temu a son siège social en Irlande – avait demandé à l’entreprise chinoise d’actualiser son nombre de visiteurs mensuels, expliquait Euronews. Cette actualisation pourrait conduire à une désignation officielle, bien que Bruxelles n’ait pas encore fait de commentaires à ce sujet. Dans un tel cas, l’entreprise aurait quatre mois pour respecter ses nouvelles obligations. Or, si Temu est désignée comme VLOP, et qu’elle ne respecte pas ses nouvelles obligations, elle risquerait des amendes salées, pouvant aller jusqu’à 6 % de leur chiffre d’affaires global.
En avril 2023, la Commission européenne avait désigné les 19 premières VLOP comme Amazon, Facebook ou Booking.com. En décembre, des sites pornographiques avaient fait partie de la deuxième vague de désignation. Shein, le rival chinois de Temu de l’ultra fast fashion, avec plus de 100 millions de visiteurs mensuels, devrait faire partie de la troisième vague. Avec, peut-être, Temu ?
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Source :
Politico