Michel Piron, le propriétaire du site pornographique Jacquie et Michel, a été mis en examen, vendredi 17 juin, pour complicité de viol et traite d’être humain en bande organisée. Placé sous contrôle judiciaire, il a pu ressortir libre du tribunal, alors que le parquet avait requis son placement en détention provisoire lors d’une audience publique devant le juge des libertés et de la détention (JLD).
M. Piron avait été placé en garde à vue, mardi 14 juin, dans le cadre d’une enquête du premier district de police judiciaire de Paris. Trois autres hommes – un ancien acteur et deux anciens réalisateurs – ont également été mis en examen dans ce dossier pour viols, complicité de viol, proxénétisme en bande organisée et traite d’être humain en bande organisée. L’un d’eux, placé en détention provisoire, est aussi poursuivi pour complicité de viol avec acte de torture et de barbarie. Quant aux deux autres, l’un a été incarcéré en attente d’un débat différé sur sa détention, et l’autre placé sous contrôle judiciaire.
L’épouse de M. Piron, interpellée en même temps que son mari mardi, a pour sa part été placée sous le statut intermédiaire de témoin assisté. Elle est donc ressortie libre, vendredi, du tribunal judiciaire de Paris.
Démission de Michel Piron
Dans un communiqué, Me Nicolas Cellupica, avocat du groupe Arès, présidé par M. Piron et détenteur du site pornographique, a affirmé qu’il était reproché à M. Piron « des faits – contestés – concernant une seule plaignante, en 2013 ».
« L’infraction de proxénétisme n’a pas été retenue à son encontre », ajoute-t-il, annonçant par ailleurs que M. Piron avait décidé de quitter le groupe le temps de cette procédure.
« Le groupe Jacquie et Michel acquiert et diffuse des milliers de vidéos par an réalisées par des producteurs indépendants et regrette profondément que sept scènes litigieuses aient pu être tournées parmi celles-ci, sur les vingt dernières années », souligne-t-il.
Devant le JLD, la représentante du ministère public a décrit un « système de proxénétisme et de traite des êtres humains », avec des « femmes démolies ». « On les entraîne dans un piège », a-t-elle déclaré, dénonçant un « mode opératoire qui enferre les victimes dans ce système ».
Les avocats de la défense ont pour leur part fustigé « deux ans de procédure » au cours desquels « aucun acte d’enquête » n’était intervenu selon eux. « La vision du ministère public c’est de se dire que le porno n’est qu’une forme de violence », a lancé un des avocats. « Sur 7 000 femmes [filmées], il y a sept plaignantes », a souligné Me Yves Levano, avocat de M. Piron.
Le monde pornographique amateur français bousculé
Le parquet avait confié en juillet 2020 cette enquête, ouverte après un signalement adressé par les associations Osez le féminisme, Les Effronté-es et le Mouvement du nid, à la police judiciaire parisienne. Ces associations relayaient les témoignages de plusieurs actrices qui assuraient avoir été contraintes à des « pratiques sexuelles hors normes et douloureuses » alors qu’elles n’étaient pas consentantes.
Le groupe qui a fondé son succès sur l’achat à petits prix de vidéos d’amateurs en France, avant de professionnaliser peu à peu sa production. L’entreprise, fondée en 1999, concurrence désormais Dorcel, un des leaders de l’industrie pornographique.
Une autre enquête menée à Paris depuis 2020 a fortement bousculé le monde du porno amateur français en visant les pratiques de la plate-forme French Bukkake. Au moins douze personnes, dont les producteurs surnommés « Pascal OP » et « Mat Hadix », sont poursuivies dans ce dossier exceptionnel par son ampleur et ouvert pour traite d’êtres humains aggravée, viol en réunion ou proxénétisme aggravé. Depuis, les enquêteurs ont identifié des victimes par dizaines.
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« Plaintes contre X »
En décembre 2021, Le Monde a publié une enquête en quatre parties sur les coulisses sordides du milieu de la pornographie :