La couverture 4G du métro et des lignes de RER qui passent par Paris est globalement achevée. Mais cela signifie-t-il que la qualité de service est au rendez-vous ? Existe-il des disparités entre opérateurs ?
Pour le savoir, nous avons réalisé une campagne de tests aux heures de pointe. Cela correspond aux moments où les réseaux des opérateurs sont les plus sollicités dans les transports en commun. Les tests ont été réalisés par la société QoSi (groupe MOZARK), un spécialiste de la mesure des réseaux télécoms qui édite notamment l’application 5GMark. C’est aussi un partenaire de référence de l’Arcep. QoSi nous fournissait déjà un baromètre 5G sur Paris et les grandes villes de France.
Cette-fois, l’enquête représentait un défi particulier. « L’idée était de pouvoir appréhender l’expérience utilisateur dans le métro et RER parisiens, à l’instar d’un voyageur faisant son trajet de terminus à terminus, à bord d’une rame en circulation. Chaque trajet est effectué de bout en bout d’une ligne et non au sein des stations », précise le directeur des opérations de QoSi Ali Boudaoud.
Certes, le site cartographique de l’Arcep Mon réseau mobile cible aussi les transports et il est possible d’afficher des résultats pour le métro et le RER parisiens concernant la voix et les SMS, ainsi que l’Internet mobile. Mais il ne livre pas d’informations brutes ligne par ligne. Par ailleurs, concernant la qualité de connexion à Internet, seule navigation web est testée et uniquement pour un temps de chargement de page web en cinq secondes.
Notre étude, elle, est axée sur deux protocoles de mesure : le transfert de données descendant et la navigation web (voir encadré en bas de l’article pour la méthodologie) avec des temps de chargement en cinq et dix secondes. Elle peut donc apporter un bon complément aux données de l’Arcep.
La 5G a été désactivée sur les smartphones pour rendre compte spécifiquement du réseau 4G mis en place par la RATP et la SNCF. Les quatre gros opérateurs Bouygues Telecom, Free Mobile, Orange et SFR ont été testés. Pour plus d’informations sur la méthodologie, voir en bas de l’article.
Vous pouvez retrouvez tous les résultats ligne par ligne sur le site de QoSi.
Orange en tête des performances
Les quatre opérateurs mobiles s’appuient sur un réseau d’antennes partagées. Malgré cela, ils ne réalisent pas du tout les mêmes performances. « Les disparités sont dues aux différences de mécanismes de gestion du flux et de la congestion mis en place par chacun des opérateurs. Ils font ainsi la preuve de leur savoir-faire quant à leur capacité à pouvoir fournir un bon de niveau de connectivité à un grand nombre d’utilisateurs simultanément, et ce, à un moment de forte affluence », souligne Ali Boudaoud.
Comme lors de nos précédents baromètres, mais aussi dans les enquêtes de l’Arcep, c’est Orange qui arrive en tête des résultats. L’opérateur historique affiche un débit descendant moyen de 99 Mbit/s sur l’ensemble des lignes testées. Il est suivi par SFR (83 Mbit/s), puis Bouygues Telecom (73 Mbit/s), et, enfin, Free Mobile (34 Mbit/s).
Toutefois, si l’on regarde dans le détail, Orange se retrouve souvent au coude à coude avec SFR. Les deux acteurs sont à égalité sur les lignes 4 et 12. SFR dépasse même Orange sur les lignes 3, 11, 9, 7 et 7bis. Les débits sont moins bons pour Bouygues Telecom et surtout Free Mobile. Malgré tout, cela reste suffisant pour accéder correctement à Internet. Rappelons que Free Mobile critique le protocole de mesure consistant à réaliser des tests de débits en mono-thread qui sont aussi ceux de l’Arcep. Ceux en multi-thread lui sont davantage favorables.
Les choses sont beaucoup moins contrastées concernant la navigation web qui est bonne pour les quatre opérateurs. SFR se distingue particulièrement à ce sujet et affiche même 100% de réussite pour afficher des pages en moins de 5 secondes sur la ligne 2 du métro.
Des résultats plutôt bons par rapport à la 4G extérieure
La 4G avec laquelle on se connecte dans le métro et le RER présente des spécificités par rapport à celle que l’on trouve en extérieur. Elle est en grande partie souterraine : on appelle cela de l’indoor profond. Elle est aussi soumise à des sollicitations extrêmes, les lignes parisiennes connaissant une grande affluence de voyageurs. La bonne surprise, c’est que les résultats en termes de débit sont plutôt bons malgré ces contraintes. Lors de notre premier baromètre parisien où nous avions comparé 4G et 5G en extérieur en septembre 2021, les niveaux se situaient entre 83 à 119 Mbit/s de débit descendant en moyenne pour les trois premiers opérateurs. Dans les transports que nous avons testés, ils s’élèvent entre 73 et 99 Mbit/s. C’est plus que suffisant pour permettre des usages gourmands en bande passante, comme du streaming vidéo.
Concernant la navigation web, l’écart se creuse davantage avec la 4G extérieure car le temps d’affichage est plus long. D’après notre baromètre du mois de novembre 2021 dans les plus grandes villes de France, les quatre opérateurs parvenaient en moyenne à dépasser les 90% de succès pour charger une page web en moins de 5 secondes. Là, on est plutôt sur du 80%. Les chiffres sont plus réjouissants sur un critère de chargement en 10 secondes avec un taux de succès supérieur ou égal à 90% pour trois des opérateurs. 10 secondes, cela paraît malgré tout assez long aujourd’hui pour un utilisateur. Il est donc fort probable que cela crée des frustrations et que des internautes intolérants aux lenteurs se retrouvent dans la situation de rafraichir plusieurs fois de suite leur page sans succès et avec l’impression que le réseau 4G ne fonctionne pas.
L’affichage de pages web en moins de 10 secondes dans le métro et le RER parisiens.
Un contraste entre le métro et le RER
« Les travaux de couverture semblent avoir porté leurs fruits. Il y a finalement très peu de lignes qui posent problème », résume le directeur des opérations de QoSi. On notera à ce sujet les excellentes performances de certaines lignes de métro comme la 14, où des records de débit sont battus avec des pointes jusqu’à 143 Mbit/s. Trois des opérateurs y dépassent les 100 Mbit/s de débit descendant !
C’est aussi le cas de la 1, la 2, la 4 et la 9. Elles bénéficient de technologie et de règles d’ingénierie plus récentes. Signalons tout de même que certaines stations aériennes permettent de capter les antennes extérieures, ce qui joue bien entendu de façon favorable sur les résultats. Notons enfin que les débits sont un peu en-deçà sur les lignes 8, 10 et 11, sans toutefois que ces dernières déméritent totalement.
Mais ce sont surtout les lignes de RER qui apparaissent en retrait par rapport au métro. Le RER A, la ligne la plus fréquentée d’Europe, est celui qui offre la moins bonne expérience utilisateur. Les quatre opérateurs y affichent des débits en-dessous des 50 Mbit/s et le temps d’affichage des pages web y est beaucoup plus long que partout ailleurs. C’est un peu mieux sur le B, le C, le D et le E mais pas complètement convaincant non plus. Là encore, la présence de stations aériennes peut, en plus, améliorer ponctuellement la situation.
Il est vrai que les rames circulent plus vite dans le RER et qu’elles embarquent davantage de personnes, ce qui rend la connexion en 4G encore plus complexe. Mais ce n’est pas la seule explication. La RATP rappelle que les lignes A et B ont été équipées historiquement en premier en réseau mobile. Il repose donc aujourd’hui sur des équipements plus anciens.
Dans les cartes de download qui affichent les seuils de débit, la couleur rouge représente les résultats de test inférieurs à 5 Mbit/s. Les cartes de résultats web prennent en compte, elles, l’échec du chargement d’une page web. Or, on observe dans les deux cas que certains points rouges sont communs à tous les opérateurs.
« Lorsque des points rouges sont identiquement positionnés sur l’ensemble des carte des opérateurs, cela correspond à des lieux d’échecs de connexion probablement liés à des problématiques de couverture » détaille Ali Boudaoud. C’est notamment le cas sur le tronçon sud du RER C ou le RER A dans le centre de la capitale. Il peut s’agir d’un tunnel où les communications passent difficilement ou encore de stations en sous-capacité réseau par rapport aux nombre de voyageurs. A ce sujet, la RATP nous a indiqué qu’un chantier d’amélioration du débit était en cours face à l’augmentation continue de la demande.
On voit ci-dessous un tableau récapitulatif des seuils de débit en download par opérateur sur les lignes de RER. On peut constater que les tests de débit se retrouvent en-dessous de 5 Mbit/s dans 56% des cas avec Free Mobile, 39% avec Bouygues Telecom et SFR et 21% avec Orange. Pour comparaison sur la ligne 14, cela ne représente que 13% des cas pour Free Mobile, 15% pour Bouygues Telecom, 7% pour SFR et 2,5 % pour Orange.
Pour conclure, on peut dire que la situation s’est énormément améliorée ces deux dernières années et que la connectivité 4G dans le métro et le RER permet désormais d’accomplir la plupart des usages web. Le RER apparaît peut-être comme le chantier prioritaire d’amélioration. Des travaux complémentaires seront sans doute nécessaires pour maintenir une qualité de service plus homogène et stable de bout en bout sur les lignes.
Il y a parfois de forts contrastes de débits entre les quatre opérateurs et une nette avance d’Orange et SFR. Mais, là encore, l’expérience 4G demeure malgré tout satisfaisante globalement pour tous. Reste à savoir si la RATP et la SNCF envisageront à moyen terme de basculer sur de la 5G.