La plateforme de réservations d’hôtels et d’appartements Booking.com vient d’être désignée comme contrôleur d’accès : une catégorie du DMA ou règlement européen sur les marchés numériques qui impose davantage d’obligations. Si la commission européenne estime que la nouvelle permettra aux consommateurs de bénéficier de davantage d’offres d’hébergements, et aux hôteliers d’être face à davantage d’opportunités commerciales, qu’est-ce-que cela va changer en pratique ?
C’est la 7ᵉ entreprise à être désignée comme telle, et la première à être européenne : lundi 13 mai, l’exécutif européen a désigné la plateforme de réservation d’hébergements Booking.com comme « contrôleur d’accès » en vertu du DMA, le « Digital Markets Act » ou règlement européen sur les marchés numériques.
La société néerlandaise, qui domine le marché européen des réservations d’hôtels et d’appartements en ligne selon la Commission européenne, rejoint un club des géants jusqu’à présent exclusivement américains ou chinois. En font partie Alphabet (la maison mère de Google et de YouTube), Amazon, Apple, ByteDance (TikTok), Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp), Microsoft… auxquels il faudra désormais ajouter Booking.
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Une désignation attendue par certains hôteliers européens
La plateforme européenne a six mois pour se conformer aux obligations du DMA. Le texte impose aux services numériques les plus importants (de messagerie, de moteurs de recherche, de système d’exploitation) des obligations bien plus strictes qu’avant, censées mettre fin aux abus de position dominante des mastodontes du secteur. Ces derniers doivent par exemple davantage partager les données générées par leurs services.
La toute nouvelle désignation de Booking.com n’a pas échappé à certains hôteliers. Pour Alexandros Vassilikos, président d’Hotrec, une association européenne qui défend les intérêts des hôteliers européens à Bruxelles, le DMA changera la donne « après une décennie de lutte entre les hôtels européens et Booking.com ». Selon le communiqué de cette organisation, Booking.com « tente toujours d’empêcher les hôtels de proposer de meilleurs prix sur leurs propres canaux de distribution, que via la plateforme Booking.com. La plateforme ne partage pas non plus suffisamment ses données avec ses partenaires hôteliers ». Et le DMA permettrait, justement, de mettre fin à ces « pratiques commerciales déloyales », selon cette association.
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Mais pour Booking, le cadre règlementaire européen est potentiellement préjudiciable à l’économie européenne
Côté Booking, l’entreprise a déclaré « examiner actuellement cette décision de désignation. Nous continuerons à travailler de manière constructive avec la Commission pour l’implémentation des solutions de mise en conformité ».
Le 1ᵉʳ mars dernier, Booking.com avait communiqué à Bruxelles son nombre d’utilisateurs mensuels. Pour tomber dans la catégorie des « contrôleurs d’accès », la plateforme doit être utilisée par 10 % de la population de l’Union européenne (UE) – en plus d’avoir une capitalisation boursière supérieure à 75 milliards d’euros, et un chiffre d’affaires annuel de 7,5 milliards d’euros : autant de critères que Booking remplirait, selon la Commission européenne.
Mais le patron de Booking, Glenn Fogel, a regretté, dans les pages des Échos ce mardi 14 mai, que le cadre réglementaire actuel (avec le DMA, le DSA, et l’AI Act) puisse être préjudiciable à l’économie européenne. « J’espère simplement que les régulateurs comprennent que la concurrence est mondiale, et (qu’ils) ne lient pas les mains des entreprises européennes en ne leur permettant pas d’obtenir un avantage concurrentiel », a-t-il déclaré à nos confrères.
Des sanctions à la clé en cas de non respect du texte
Booking devra d’ici la mi-novembre soumettre à la Commission européenne un rapport de conformité détaillé. Dans ce document, l’entreprise expliquera comment elle se conforme à chacune des obligations du règlement européen. Certaines règles du DMA s’appliquent immédiatement : la société européenne devra par exemple informer Bruxelles de tout projet de fusion ou d’acquisition. L’année dernière, la Commission européenne avait déjà bloqué le rachat envisagé par Booking d’etraveli, une entreprise spécialisée dans la réservation de vols en ligne, en vertu d’un autre règlement européen sur le contrôle des concentrations.
En cas de non-respect du texte, Booking risque des amendes pouvant atteindre 10 % de son chiffre d’affaires mondial, et même 20 % en cas de récidive – les sanctions pouvant aller jusqu’à la « cession et la séparation structurelle ».
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Des effets du DMA pour l’instant plus que mitigés pour les hôteliers
Quelles conséquences aura en pratique cette désignation ? Pour Margrethe Vestager, la commissaire européenne en charge de la Concurrence, cette nouvelle devrait « permettre aux vacanciers de bénéficier d’un plus grand choix » dans leurs réservations d’hôtels ou d’appartements. Les « hôtels devraient bénéficier de davantage d’opportunités commerciales ».
Mais cela reste à voir au vu des effets du DMA sur les hôteliers : ces derniers voyaient initialement le texte comme un moyen d’être davantage visibles sur le Web, avant de déchanter.
Dans les colonnes du Figaro, certains d’entre eux expliquaient, en mars dernier, que le DMA avait, au final, surtout favorisé les plateformes de réservation comme Booking.com – dans les pages de résultats de Google – au détriment des sites des hôteliers. Quel sera alors l’effet de la désignation de Booking.com, pour la plateforme de réservation d’hébergement, pour les hôteliers européens, et pour les consommateurs ? Réponse dans les prochains mois.
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Source :
Communiqué de la Commission européenne du 13 mai 2024