Euromore, nouvelle arme de la guerre informationnelle russe

Euromore, nouvelle arme de la guerre informationnelle russe


En suspendant la diffusion en Europe de Russia Today (RT) et Sputnik, le 2 mars 2022, l’Union européenne (UE) pensait « ferm[er] les vannes aux médias russes contrôlés par l’Etat ». Bannies des moteurs de recherche et des réseaux sociaux, les deux publications se voyaient brutalement coupées de leur audience européenne. Des documents confidentiels consultés par Le Monde révèlent aujourd’hui que la Russie n’a pas tardé à s’organiser pour contourner ces sanctions, en tentant de faire émerger un média alternatif, nommé Euromore.

Lancé le 31 mars 2022, le site se présente comme « une publication européenne indépendante avec un bureau éditorial dans le royaume de Belgique ». En réalité, il est piloté par Rusfuture, une fondation moscovite présidée par le politologue ukrainien Yuriy Kot, connu pour ses positions prorusses. Euromore a aussi reçu un soutien financier de la part de Pravfond, une autre organisation russe proche des services de renseignement, sous sanctions européennes, dont les priorités sont directement validées par le ministère russe des affaires étrangères. Si le montant total de ce financement est inconnu, un contrat évoque un soutien d’un peu plus de deux millions de roubles (environ 20 000 euros) pour la seule année 2024.

La quarantaine de documents internes de Pravfond, obtenus par nos partenaires de la télévision publique danoise, DR, auprès d’une source au sein d’un service de renseignement européen, ne laissent aucun doute sur l’objectif du projet Euromore : créer une « alternative significative » à RT et Sputnik, tout en les aidant à « diffuser le[ur]s principaux récits » après leur interdiction en Europe.

Extrait et traduction d’un document interne de Pravfond sur le projet Euromore.

De fait, les thématiques prioritaires couvertes par Euromore – « opération spéciale en Ukraine », « russophobie en Europe » et « protection de la langue russe » – s’alignent clairement avec la doxa russe. Le site relaie les discours de personnalités politiques occidentales sélectionnées pour leur « attitude constructive à l’égard de la Russie » : le premier ministre hongrois, Viktor Orban, le président serbe, Aleksandar Vucic, ou encore l’eurodéputé Hervé Juvin (ex-Rassemblement national).

Dans ses directs vidéos sur YouTube, Euromore donne la parole à des figures prorusses bien connues : l’ancien espion américain Larry Johnson, l’analyste suisse Jacques Baud, la juriste française Karine Bechet-Golovko ou encore le producteur russo-américain Igor Lopatonok, récemment épinglé pour sa participation à des projets de documentaires hagiographiques sur les dictateurs Alexandre Loukachenko et Ilham Aliev, en collaboration avec le réalisateur américain Oliver Stone.

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