« Les mouvements antidémocratiques menacent partout en Europe. Ils nuisent au climat, à la démocratie, à la justice sociale, au féminisme… Pour eux le pétrole est roi et l’écologie est punitive. Pour assainir l’atmosphère donnez de la voix ! » Ces trois dernières semaines, les internautes français ont pu voir passer, sur Instagram ou Facebook, cette publicité ou d’autres très similaires, les incitant à aller voter dimanche 9 juin. Vingt mille euros de budget, un site Internet et une page Facebook créés très récemment, et à la mention légale indiquant qui a financé cette campagne, le nom d’une entreprise irlandaise : Full Beam Media.
En France, les publicités politiques sur Internet sont interdites durant les périodes de campagne électorale. Alors inciter à aller aux urnes, en évoquant des thèmes spécifiques comme le fait Full Beam Media mais sans soutenir une liste ou un parti, est-il légal ?
Le sujet est complexe. « Voter est un acte citoyen, mais aussi politique », note Gérard Haas, avocat spécialisé dans le droit du numérique et fondateur du cabinet Haas avocats à Paris, qui a examiné plusieurs des encarts de Full Beam Media pour Le Monde. « Soit on a une vision très large, et on considère que [ce type de publicité] est une information qui incite avant tout à aller voter, et qu’on y adjoint des thèmes plutôt fédérateurs pour motiver les électeurs. Soit on considère qu’il y a une finalité politique, que ces publicités disent en substance “allez voter, mais allez voter pour un parti qui représente ces thématiques”. » En l’occurrence, des partis écologistes, ou plus largement progressistes.
Enjeux de transparence
La nature des publicités n’est pas le seul critère qui pose question sur ce type de campagnes. Les droits français et européen imposent en effet aux acteurs qui financent des réclames politiques d’être transparents sur leur identité et l’origine des fonds. Notamment parce qu’un nouveau règlement européen, formellement entré en vigueur en mars 2024 mais qui ne sera applicable qu’à partir d’octobre 2025, interdit totalement la publication de publicités financées par des acteurs extra-européens en période électorale.
Or, rien ne permet de savoir concrètement pour qui roule Full Beam Media. Ces dernières semaines, la société a aussi financé d’importantes campagnes en Espagne, sur des thèmes écologistes et sur les droits des femmes ; en Pologne, pour inciter les électeurs à voter pour des « candidats compétents » ; et en Allemagne, avec une campagne critiquant de manière voilée le parti d’extrême droite Alternativ für Deutschland (AfD), autour du slogan « Il n’y a pas d’alternative à l’Europe ».
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