Depuis plusieurs semaines, au supermarché, Mayssa ne se contente plus d’une simple liste de courses. Dans les rayons, cette consultante en informatique de 26 ans s’équipe également d’une application mobile avec laquelle elle scanne les codes-barres des différents produits. « C’est Yuka ? », l’interpelle une autre cliente, citant la célèbre application qui évalue l’impact sur la santé de l’article scanné. « Non, madame, c’est Boycott X », répond Mayssa, avant de lui expliquer son fonctionnement.
Le principe ? Identifier si une marque est ciblée par une campagne de boycott ou connue pour une complicité supposée avec la politique israélienne sur les territoires occupés palestiniens. En scannant un paquet de biscuit LU par exemple, le message suivant s’affiche sur le téléphone : « LU appartient à Mondelez. (…) En investissant dans l’écosystème technologique israélien, Mondelez est accusé de contribuer aux violations des droits humains en Palestine. »
L’application fournit également un lien vers une source, généralement un article de presse, pour mieux comprendre la nature de l’allégation. Une nouvelle façon de pratiquer le boycott, pratique militante déjà employée en Inde dans les années 1920 pour son indépendance, contre l’Afrique du Sud en 1960 pour défier l’apartheid, ou contre Israël en 2005 avec le mouvement Boycott Désinvestissement Sanctions (BDS).
Lorsque Chedy El Tabaa, jeune développeur français de 26 ans, commence à imaginer Boycott X en octobre, son projet n’est pas spécifiquement dédié à la cause palestinienne. L’application cible alors les entreprises sur trois grandes catégories : mauvaise gestion du bien-être animal, impact environnemental problématique, et non-respect des droits humains. Mais quand l’application sort deux mois plus tard, elle est vite rattrapée par l’actualité. Pour les consommateurs soutenant la cause palestinienne, ou simplement critiques des actions de l’Etat d’Israël et de son armée en cours à Gaza, Boycott X devient un outil précieux.
Largement partagée et recommandée dans ces milieux, l’application compte depuis son lancement plus de 680 000 téléchargements. Et l’engouement ne semble pas s’arrêter : le 27 mai, au lendemain des frappes israéliennes sur un camp de déplacés à Rafah, elle battait son record de fréquentation avec 70 000 produits scannés dans la journée. Deux jours plus tard, et après d’importantes manifestations de solidarité avec la Palestine dans tout le pays, elle atteignait 145 000 scans quotidiens, soit près de deux par seconde, trônant même à la première place des téléchargements sur l’Apple Store, dans la catégorie « Utilitaires ». Depuis, la voilure ne semble pas s’être réduite. Le 11 juin, lorsque Le Monde rencontre Chedy El Tabaa, les scans continuent de défiler sur son serveur.
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