Le gouvernement fdral du Canada semble exprimenter une forme de surveillance du lieu de travail en s’appuyant sur un robot que les fonctionnaires trouvent trs drangeant. L’appareil, que les employs surnomment « le petit robot », s’appelle VirBrix et a commenc apparatre dans les immeubles de bureaux fdraux de la ville de Gatineau en mars. Il rde dans les couloirs en collectant d’normes quantits de donnes prtendument pour aider crer « un meilleur environnement de travail ». Mais il soulve des proccupations en matire de protection de la vie prive et est peru comme un moyen de contrler les employs, qui sont stresss et dmoraliss.
Un petit robot rdant dans les espaces de travail stresse et dsoriente les employs
GlobalDWS, l’entreprise l’origine de VirBrix, dcrit le petit robot comme une plateforme innovante qui exploite la puissance de l’IA, de l’Internet des objets (IdO) et de la navigation autonome pour transformer les bureaux en environnements ractifs et intelligents. L’automatisation cognitive de notre plateforme s’intgre de manire transparente votre infrastructure existante pour un dploiement instantan , indique l’entreprise. De nombreux employeurs s’interrogent sur la manire d’utiliser cette technologie, et le gouvernement fdral du Canada ne fait pas exception. Ce dernier a lanc en mars un projet pilote Gatineau.
D’aprs Yahya Saad, cofondateur de GlobalDWS, VirBrix se dplace sur le lieu de travail pour recueillir des donnes l’aide d’une vingtaine de capteurs et d’une camra 360 degrs. Grce l’intelligence artificielle du robot, la camra prend l’image, l’analyse et compte le nombre de personnes, puis la rejette , explique-t-il. VirBrix recueille galement des informations sur la qualit de l’air, les niveaux de lumire, le bruit, l’humidit, la temprature et mesure mme le CO2, le mthane et le radon. L’objectif dclar des crateurs de la plateforme est de favoriser la cration d’un environnement de travail sain pour les humains.
GlobalDWS voque un environnement qui ne soit pas trop chaud, trop humide ou trop sombre. Selon Saad, cela signifie que les employs sont plus l’aise et plus productifs. L’entreprise estime galement que la technologie peut galement contribuer rduire les cots de chauffage, de climatisation et d’lectricit. Toutes ces mesures sont prises afin d’conomiser l’nergie et rduire l’empreinte carbone , affirme Saad. Mais les fonctionnaires des bureaux fdraux o VirBrix est dploy trouvent le robot envahissant et ont dclar qu’ils ont l’impression d’tre constamment espionns par le petit engin rdeur du gouvernement.
Selon certains mdias locaux, le robot a t utilis dans au moins trois immeubles de bureaux fdraux au cours du mois de mars, probablement dans le cadre d’un projet pilote. Et alors que le gouvernement fdral canadien s’apprte exiger des fonctionnaires qu’ils retournent au bureau trois jours par semaine, l’appareil est considr comme un moyen de contrler les employs au lieu de crer un environnement de travail positif. Saad rfute cela : c’est similaire n’importe quelle camra de vidosurveillance place dans n’importe quel bureau, mais dans notre cas, il n’y a pas d’informations prives qui sont conserves .
Bruce Roy, prsident national du Syndicat des services gouvernementaux, affirme que la prsence du robot dans les bureaux fdraux est « intrusive » et constitue une « insultante ». Les gens se sentent observs en permanence. C’est un espion. Le robot est un espion pour la direction . De son ct, le gouvernement fdral explique que le robot est « un outil d’optimisation des espaces de travail et qu’il ne peut pas identifier les employs ». Il s’est avr trs utile pour identifier et signaler les relevs de temprature, d’humidit et de qualit de l’air, ainsi que les diffrents gaz de l’air intrieur , a dclar Saad propos du robot.
La plateforme de collecte de donnes VirBrix suscite de nombreuses proccupations
Cependant, Roy, dont le syndicat reprsente plus de 12 000 fonctionnaires fdraux dans plusieurs dpartements, a dclar que le robot n’tait pas ncessaire, car l’employeur disposait dj de moyens pour contrler l’assiduit et les performances de ses employs. Nous pensons que l’une des tches du robot est de contrler qui est prsent et qui ne l’est pas. Les gens se demandent : « pourquoi y a-t-il un robot ici ? Mon employeur ne croit-il pas que je suis l et que je fais mon travail correctement ? , a-t-il dclar. Roy pense galement que VirBrix pose « un rel problme de sant » dans les espaces de travail o il est dploy.
Les membres trouvent cela intrusif et assez dmoralisant parce qu’ils ont un robot qui, tout d’abord, se trouve dans leur zone de travail et qui fait le travail qu’ils sont plus capables de faire, et le robot peut poser certains problmes de sant, de scurit et d’environnement, parce que si vous ne voyez pas le robot, vous pouvez facilement trbucher dessus.
De plus, le syndicat s’inquite des donnes collectes par le robot, de la manire dont elles seront utilises et de l’endroit o elles seront stockes. Le robot peut apprendre des dtails intimes de nos habitudes. Par exemple, nos pauses aux toilettes , a dclar Roy. Saad rfute ces allgations. Le gouvernement fdral affirme que l’appareil ne reconnait pas les individus et n’a pas la capacit d’espionner ou de suivre les employs sur leur lieu de travail. Selon Roy, le syndicat est d’autant plus inquiet qu’il ait dj t confront des capteurs installs sur les postes de travail des employs entre janvier 2022 et mars 2024.
Jean-Pierre Potvin, porte-parole du CPFP (Public Services and Procurement Canada), a confirm que 208 appareils dots de capteurs de mouvement et de capteurs infrarouges recueillaient des donnes sur « la frquence et la dure de l’utilisation du poste de travail ». Les capteurs ont cot 72 000 dollars au gouvernement. Le gouvernement fdral nie que VirBrix ait quoi que ce soit voir avec le fait que les employs devront se rendre au bureau trois jours par semaine partir du mois de septembre prochain. Les fonctionnaires se disent inquiets et l’on ne sait pas encore si la technologie sera tendue d’autres lieux de travail.
Jean-Yves Duclos, ministre canadien des Services publics et des Marchs publics, a dclar que le gouvernement utilisait plutt cette technologie dans le but de rduire de moiti la superficie de ses bureaux au cours des prochaines annes. Ces capteurs observent l’utilisation de l’espace de bureau et pourront nous donner des informations au cours des prochaines annes pour mieux fournir le type d’espace de travail dont les employs ont besoin pour faire leur travail , a expliqu Duclos. D’aprs lui, ce sont des mthodes « anonymes » permettant d’identifier les espaces de travail les plus utiliss et ceux qui ne le sont pas.
Le robot peut stocker des images des personnes prsentes dans un espace de travail
Par ailleurs, bien que le robot efface gnralement les images peu de temps aprs les avoir prises, Saad reconnait qu’il existe « de rares cas » o les employeurs demandent l’entreprise de les conserver. Dans ces cas-l, nous conservons les images, mais le corps entier, pas seulement le visage, le corps entier de la personne est flou. Il s’agit de cas exceptionnels pour lesquels nous devons conserver les images, qui seront ensuite remises au client , a-t-il dclar. Selon lui, les donnes sont ensuite stockes sur un serveur situ sur le sol canadien. Cependant, un employ peut tre identifi partir de ses traits physiques.
Ann Cavoukian, ancienne commissaire la protection de la vie prive de l’Ontario, affirme : je pense qu’il est essentiel de regarder sous le capot chaque fois que l’on a recours la robotique ou n’importe quel type d’instrument. En matire de donnes collectes, qu’est-ce qui est exactement collect ? Comment sont-elles utilises ? Sont-elles divulgues des tiers non autoriss ? . Le chercheur Pierrot Pladeau, conseiller en valuation sociale des systmes d’information, estime que « le gouvernement semble traiter ses employs un peu comme des meubles ». Il doute de la qualit des donnes produites par le robot.
Selon lui, les employs pourraient dcider de « jouer avec le robot » et de se comporter diffremment en sa prsence, simplement pour perturber les donnes qu’il recueille. Ils sont en train de fabriquer un gros fromage suisse. Il y a beaucoup de trous. En outre, si le robot garde les donnes anonymes et ne sait pas qui se trouve dans le bureau, il ne peut pas faire grand-chose pour crer un lieu de travail confortable. Les gens ont des prfrences diffrentes en matire de temprature, d’clairage ou d’humidit. Il sera donc difficile de satisfaire les employs sans connatre des facteurs comme le sexe et l’ge , a-t-il dclar.
Selon les critiques dans la communaut, personne ne se sentira l’aise avec un robot qui se promne derrire lui pendant qu’il travaille. Un critique a crit : pour moi, cela sent le npotisme ou une sorte de paiement. Si j’tais impliqu, je commencerais chercher qui a approuv ce genre de choses. Quel gaspillage de l’argent des contribuables ! Je suis sr 100 % que tout cela pourrait tre gr avec des capteurs statiques et sans camras . Un autre a crit : une grande partie de ce systme est utilise pour le genre de microgestion stupide que les personnes qui n’ont rien de mieux faire transforment en carrire .
Aprs le programme pilote de mars, VirBrix doit revenir en juillet et en octobre, et le gouvernement n’a pas exclu de prolonger son utilisation. Il paie 39 663 dollars pour louer le robot pendant deux ans. Pladeau souponne que les donnes ne sont pas vraiment anonymes. Le systme peut produire un rapport sans identifier qui que ce soit, mais cela ne signifie pas que les employs ne peuvent pas, en principe, tre identifis.
Il a dclar : si je sais qu’il y a une runion telle heure… ou qu’une personne doit travailler tel poste, il est clair que ces informations concernent une personne identifiable. Si l’employeur reoit l’information directement, il est en mesure d’identifier la personne .
Et vous ?
Quel est votre avis sur le sujet ?
Que pensez-vous de la surveillance du lieu de travail par un robot ? Cautionnez-vous cela ?
Est-il ncessaire de mettre en uvre une telle surveillance avant de rendre le lieu de travail meilleur ?
Les dclarations selon lesquelles le robot VirBrix ne permet pas d’identifier les travailleurs sont-elles crdibles ?
Quelles sont les problmes en matire de confidentialit et de protection de la vie prive que pose cette technologie ?
Quels impacts cette technologie pourrait-elle avoir sur les travailleurs ? Risque-t-elle de nuire leur bien-tre et leur productivit ?
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