Lorsque, mercredi 26 juin au matin, Julian Assange apparaît devant le tribunal fédéral de Saipan, dans les îles Mariannes du Nord, un territoire américain du Pacifique où il doit plaider coupable de « complot pour obtenir et divulguer des informations relevant de la défense nationale » au terme d’un accord passé avec la justice américaine, il est flanqué de Kevin Rudd, ancien premier ministre australien et actuel ambassadeur à Washington. Stephen Smith, haut-commissaire d’Australie au Royaume-Uni, l’accompagne également depuis sa sortie, la veille, de la prison de haute sécurité de Belmarsh, à Londres. Canberra compte sur eux pour soutenir le lanceur d’alerte dans ce qui doit être l’épilogue d’une saga judiciaire de près de quatorze ans et pour ramener l’enfant du pays chez lui, conformément à son souhait. A 19 h 40, Julian Assange atterrit en homme libre à l’aéroport militaire de Canberra.
La juge l’a condamné à une peine de soixante-deux mois de prison déjà couverte par les cinq années purgées en détention provisoire. En le voyant apparaître, poing levé à sa descente d’avion, son frère, Gabriel Shipton, interviewé en direct par la chaîne australienne ABC News, ne peut retenir ses larmes avant de sabrer une bouteille de champagne.
Avec lui, tout un pays, qui a pu suivre en direct chaque étape de son périple retour depuis Londres sur les fils d’actualité continu des grands médias nationaux, souffle de le savoir enfin tiré d’affaire. « Je voudrais remercier le peuple australien qui a rendu cela possible, car sans leur soutien, il n’y aurait pas eu l’espace politique nécessaire pour obtenir la liberté de Julian », déclare son épouse, Stella Assange, très émue, lors d’une conférence de presse, dans le hall du East Hotel de Canberra, où est hébergée la famille Assange et dans lequel se pressent des dizaines de journalistes, des activistes et une poignée de députés dans le plus grand désordre.
« Traitement extraordinairement cruel »
Derrière les orateurs, auxquels ne s’est pas joint Julian Assange, épuisé, des écrans affichent un QR code destiné à participer à une collecte de dons pour couvrir le coût de son trajet retour dans un jet privé. Le lanceur d’alerte de 52 ans n’avait pas été autorisé à prendre un vol commercial.
En Australie, le soutien de ses concitoyens a d’abord été celui d’un petit cercle d’activistes avant de s’étendre progressivement à une large majorité de la population après que l’administration américaine, dirigée par Donald Trump, a utilisé l’Espionage Act – une loi datant de 1917 et jamais employée auparavant à l’encontre de journalistes – pour inculper, en 2019, le fondateur de WikiLeaks. En vertu de ce texte, il encourait jusqu’à 175 ans de prison pour avoir rendu publics, à partir de 2010, plus de 700 000 documents confidentiels sur les activités militaires et diplomatiques des Etats-Unis.
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