Les campagnes de désinformation, la multiplication des deepfakes, le succès sur YouTube et Instagram d’influenceurs « réacs », l’augmentation du nombre de tweets climatosceptiques et anti-immigratoires sur X, à commencer par ceux de son propriétaire et patron, Elon Musk. En cette année électorale pour la moitié de la planète, la question se pose : la tech bascule-t-elle à droite ? La Silicon Valley, premier foyer des nouvelles technologies, continue pourtant de se vivre comme un foyer progressiste.
Les travailleurs de la tech ont soutenu successivement les candidats Obama, Clinton et Biden. Eric Schmidt, ancien PDG de Google, et Reid Hoffman, fondateur de LinkedIn, travaillent directement avec le Parti démocrate depuis près de dix ans pour améliorer le ciblage électoral et la culture technologique des candidats.
Pourtant, depuis le mois de février, la rumeur enfle : Musk apporterait son soutien au candidat républicain. Pas financièrement. Mais le milliardaire s’est entretenu avec Trump à Palm Beach (Floride) au début du mois de mars, et ses relations avec Biden restent particulièrement tendues. En campant sur les principes libertariens de la libre expression, il a transformé Twitter, un réseau social progressiste choyé par les journalistes, en X, qui offre une chambre d’écho aux thèses suprémacistes et complotistes.
Le virage à droite des nouvelles technologies
Certes, la présence de l’extrême droite sur Internet n’est pas nouvelle. Les formations de droite n’ont cessé de tester les limites politiques d’Internet par des stratégies d’influence, de propagande et de polarisation. Comme l’a montré la sociologue Jen Schradie dans son livre L’Illusion de la démocratie numérique (EPFL Press, 2022), les organisations politiques de droite ont mieux exploité le réseau des réseaux que leurs homologues de gauche.
En effet, ces derniers sont le plus souvent restés à distance du Web, entretenant une méfiance à l’égard d’un système de communication qui diluerait les principes et la cohésion de l’organisation militante « par le bas ». Au-delà de cette tendance de fond, c’est l’ensemble de l’industrie des nouvelles technologies qui semble prendre un virage à droite.
Schématiquement, l’histoire d’Internet compte trois temps : celui des pionniers, des plates-formes et des Big Tech. Les récits des origines firent la part belle aux hippies, aux universitaires et aux hackeurs. Dans le courant des années 2000, une continuité pouvait se lire dans la célébration du partage et de la contribution du Web 2.0. Internet n’était plus une utopie, mais une démocratie.
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