La voiture virtuelle LS Car de LS Group vue à travers le casque Apple Vision Pro, 2024.
Suresnes (92) – Nous sommes dans une voiture, à la place du conducteur. Certes, tout ceci est en réalité virtuelle. C’est la tête dans le casque Apple Vision Pro que nous nous installons à l’intérieur de la LS Car. Que le regard soit porté à l’avant, sur le tableau de bord, du côté de la portière gauche ou vers le siège du passager, l’image, en taille réelle, profite de la belle définition de ce casque haut de gamme. C’est le seul, pour l’heure, à intégrer un double écran 4K.
Nous sommes à Suresnes, dans les bureaux de LS Group, anciennement Light and Shadows. Posé sur la table de la salle de réunion, il y a un autre casque de VR. Une antiquité à présent. Une trace aussi du fait que dans ce monde tridimensionnel, LS Group n’est pas né de la dernière pluie. Créée en 2009, la société a conçu il y a déjà une dizaine d’années ce casque sans fil, le NEO. Il se serait vendu à une dizaine d’exemplaires.
Désormais, la société se concentre sur le consulting et la conception de solutions faisant appel à la VR et à l’AR. Des exemples ? Un programme de formation aux gestes de sécurité dans les installations gazières ou nucléaires (pour GRTGaz, le Commissariat à l’Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives), ou encore un configurateur d’avion de luxe (avec Airbus Corporate Jets).
Apple Vision à tout prix !
Le casque d’Apple trop cher? Non, pas pour les pros, car « la plupart de [nos] clients auront les moyens de s’offrir ce type de matériel » croit fermement Aymeric du Chéné, le directeur de l’équipe de développeurs de la société. » Et ce malgré un prix annoncé en pré-commande de 4000 à 4500 euros.
Jordane Richter, le directeur commercial et marketing de la société, n’a en tout cas pas hésité. Il s’est procuré le dernier bijou technologique d’Apple.
L’exigence du consulting
Outre la curiosité, le réalisme c’est le potentiel business qui a poussé sa décision. « Notre rôle de conseil exige que l’on maîtrise la gamme de ce qui existe, précise le responsable commercial. On est techno agnostique sur les casques, sur les technos qu’on utilise pour développer. Donc bien sûr on l’achète, ne serait-ce que pour le tester. » Le but étant de répondre à cette question : « comment nos clients peuvent-ils l’utiliser? ».
La commande passée, grâce à une amie vivant aux Etats-Unis, il aura fallu plus d’un mois d’attente à Jordane Richter et à son équipe pour commencer à porter le Vision Pro.
Pourquoi un tel délais ? A cause du blocage des douanes américaines qui exigeaient des documents conformes pour le transport de batterie. Mais à en croire les responsables de LS Group, le jeu en valait la chandelle.
Une plateforme accueillante au début
« C’est relativement facile de transférer une expérience en réalité virtuelle qu’on a déjà développée dans l’Apple Vision Pro », se réjouit Jordane Richter. « Dès la sortie, ils avaient annoncé que l’Apple Vision Pro était compatible avec Unity », se rappelle Aymeric du Chéné. Ce moteur 3D est « un peu le coeur de métier de pas mal de mes développeurs. Ça nous a permis de déployer rapidement des choses sur le casque assez facilement. »
Mais afin d’exploiter pleinement le potentiel du Vision Pro, les responsables chez LS Group réfléchissent bien sûr à la maîtrise du langage de programmation des plateformes d’Apple, Swift.
« On est peut-être un peu moins opérationnel aujourd’hui là-dessus, reconnaît Aymeric du Chéné. Mais on teste également. C’est moins notre cœur de métier parce que c’est plus du développement mobile. On a plutôt fait historiquement des applicatifs Windows, des applicatifs Android également pour tout ce qui est casque de réalité virtuelle de type Quest [le casque de Meta]. On a fait des applications iPad qui sont plutôt orientés Unity sur le développement. »
Faut-il passer au langage de programmation Swift ?
La maîtrise de Swift permettrait d’avoir plus d’interactions dans l’environnement 3D quand on porte l’Apple Vision Pro. Par exemple, dit le responsable des développeurs, « ouvrir les portes, refermer, voir l’impact [physique] de certaines choses ».
Car, pour l’instant, avec la version actuelle de leur démonstration sur Vision Pro, on peut scruter la LS Car sous différents angles, de l’intérieur comme de l’extérieur.
Mais on ne peut pas effectivement pousser de la main la portière de la voiture.
Un casque au-dessus du lot
Le jeu en vaut aussi la chandelle parce que le casque d’Apple dépasse la concurrence, juge-t-on chez LS Group. « L’usage premier de l’Apple Vision Pro n’est pas forcément la réalité virtuelle mais la réalité mixte. Donc c’est là où il y a une espèce de… révolution. Pas complètement parce qu’il y a déjà des casques qui font la réalité mixte. Mais pas avec cette qualité-là ! Nous sommes unanimes sur la qualité de l’écran. Et du tracking. Et sur le fait que ça fonctionne très très bien dans l’écosystème Apple. Je peux par exemple faire un mirroring sur un iPad, sur un téléphone ».
Et de citer d’autres avantages pour les pros.
« C’est une connectique simple. Les gestuelles sont très simples aussi. Le fait d’avoir deux caméras en dessous [pour repérer la position des mains], le pinch, c’est super ! Le tracking des yeux est assez exceptionnel. »
Face aux casques des concurrents, Varjo, Quest et autres, Aymeric du Chéné est un peu plus nuancé sur la suprématie du Vision Pro. S’il juge aussi que la résolution de l’écran et la finition sont au-dessus du lot, le poids reste un défaut pour le Vision Pro.
Le déploiement de l’Apple Vision Pro en question
Reste que la question de l’adoption du casque par les pros interroge toujours chez LS Group. Comment faire tourner rapidement plusieurs casques au sein d’un groupe en formation incendie ou sécurité nucléaire ? Un problème, car à chaque fois il faut reconfigurer la calibration des yeux des utilisateurs. Cette procédure, indispensable pour la précision du suivi des gestes, est certes aisée. Mais elle prend du temps lorsqu’il faut partager les casques entre plusieurs utilisateurs.
« Ça reste, en tout cas philosophiquement [pour] Apple, un outil grand public. Et un outil personnel », dit Jordane Richter.
Il se demande comment le Vision Pro pourrait trouver sa place dans une boutique pour un cas d’usage retail… surtout si elle est très fréquentée. « Ça pourrait être déployé en arrière boutique VIP chez une marque de luxe, imagine le responsable marketing. Mais ça n’ira pas chez Sephora en libre utilisation. Alors que chez Sephora on pourrait mettre du HTC Vive ou du Quest. »
Tout dépend du cas d’usage, à cause de la personnalisation du casque
Par contre, une entreprise comme Stellantis, pense Jordane Richter, pourrait décider « d’équiper tous ses employés avec un Apple Vision Pro au même titre qu’un PC portable ». Surtout si une version 2 est moins chère.
« On aura alors un Apple Vision Pro tel qu’on aurait un Mac par exemple. Ça aurait le mérite de tirer tout le marché vers le haut. »
Apple a annoncé le démarrage de la vente de son luxueux Vision Pro en France au 28 juin. Et sa disponibilité au 12 juillet.