Sky ECC était l’application prisée des trafiquants. Un procès a été ordonné, mardi 13 août, contre trente personnes, dont les Canadiens Thomas Herdman, distributeur, et Jean-François Eap, dirigeant de la société Sky Global, dans l’enquête en France sur la commercialisation de la messagerie cryptée Sky ECC, utilisée notamment par des narcotrafiquants, selon l’ordonnance de mise en accusation consultée par l’Agence France Presse (AFP).
Tous « savaient, ou ne pouvaient raisonnablement ignorer à tout le moins, que ce produit était susceptible d’attirer la convoitise des organisations criminelles opérant dans les divers trafics de stupéfiants extrêmement prolifiques », selon les magistrats instructeurs. Ils seront jugés par la cour d’assises spéciale de Paris composée de magistrats professionnels, compétente pour le trafic de stupéfiants en bande organisée.
Messagerie réputée inviolable
Sky Global a développé, à partir de 2013, une application de messagerie cryptée appelée « Sky ECC ». Installée sur des téléphones classiques achetés de la main à la main, en espèces ou en cryptomonnaies et à des tarifs prohibitifs (jusqu’à plus de 2 000 euros les six mois), cette solution téléphonique permettait, avec son système de chiffrement « extrêmement robuste et sophistiqué », d’échanger de façon sécurisée et anonyme.
Toutes ces caractéristiques ont fait de Sky ECC « un moyen de communication à destination (quasi) exclusive des organisations criminelles », estiment les juges d’instruction. Ce que conteste Jean-François Eap.
Le décryptage du système en 2019 par une équipe d’enquêteurs belges, néerlandais et français leur a donné un accès inédit aux pratiques des groupes criminels les plus dangereux. En France, une information judiciaire a été ouverte en 2019 notamment pour association de malfaiteurs en vue de l’importation de produits stupéfiants commise en bande organisée, fourniture de prestations de cryptologie visant à assurer des fonctions de confidentialité sans déclaration conforme et blanchiment d’importation de produits stupéfiants.
Douze mises en examen, dix-huit mandats d’arrêt
Douze personnes ont été mises en examen au fil de la procédure, 18 autres sont visées par des mandats d’arrêt. Agé de 39 ans, le dirigeant canadien fait l’objet d’un mandat d’arrêt depuis septembre 2022, qu’il a contesté devant la justice. Son « entreprise a été diabolisée dans un souci de légitimer des écoutes qui constituent une atteinte massive à la vie privée de centaine de milliers d’utilisateurs », a ajouté le conseil.
Thomas Herdman, 63 ans, est considéré par les enquêteurs comme un des principaux distributeurs de l’application, ce qu’il conteste. Il est le seul à être incarcéré dans ce dossier. « 99 % des revendeurs » qui étaient en lien avec lui « ne sont pas impliqués dans des procédures judiciaires et ne sont pas en contact avec des personnes mises en cause » dans des narcotrafics, ont dénoncé auprès de l’AFP ses avocats Philippe Ohayon et Paul Sin-Chan.
D’autres enquêtes ont été ouvertes, notamment en Belgique, aux Pays-Bas et dans les Balkans, après le déchiffrage de la messagerie et ont abouti au démantèlement de cartels de trafiquants en Europe.