entre le marteau de la justice pénale et l’enclume de l’UE

entre le marteau de la justice pénale et l’enclume de l’UE


On l’aurait presque oublié, tant les débats sur la régulation des grandes plates-formes ont, depuis dix ans, tourné autour de grands textes dont la philosophie est de frapper les entreprises du numérique au portefeuille. Mais les patrons de réseaux sociaux peuvent aussi avoir une responsabilité pénale, comme l’a démontré, samedi 24 août, l’arrestation surprise au Bourget du PDG et fondateur de Telegram, Pavel Durov, et sa mise en examen mercredi 28 pour sa complicité présumée avec toute une série de crimes et délits commis sur sa plate-forme.

Ces dernières années, ce sont les grands textes européens, Règlement général pour la protection des données (RGPD) et Digital Services Act (DSA) en tête, qui ont été au centre des discussions sur la régulation des grandes plates-formes numériques. Ensemble, ces textes dessinaient une philosophie européenne de la régulation, visant à imposer un cadre clair et sécurisant pour les entreprises, assorti d’obligations de transparence, de protection de la vie privée, et de modération des contenus, avec des amendes très importantes en cas de manquements répétés et, en dernier ressort, une possibilité de suspendre leurs services dans l’UE.

Mais cette approche fonctionne bien mieux lorsque les plates-formes jouent au minimum le jeu, ce qui n’est pas toujours le cas de Telegram. L’entreprise assure respecter les obligations du DSA. Mais selon les informations du Financial Times, la Commission européenne suspecte l’entreprise d’avoir volontairement sous-estimé son nombre d’utilisateurs en Europe. Elle en déclare 41 millions, alors qu’il en faut 45 pour qu’une société soit considérée comme une « très grande plate-forme », soumise à des obligations beaucoup plus strictes. La Commission se réserve le droit de qualifier l’application de « très grande plate-forme ».

Le DSA comme le RGPD sont les héritières d’un débat, largement tranché depuis vingt ans, sur la responsabilité pénale des plates-formes. Au début des années 2000, tous les pays européens, ainsi que les Etats-Unis et la quasi-totalité des démocraties dans le reste du monde, ont adopté des lois très similaires, visant un compromis : permettre aux grands services en ligne de se développer sans leur faire courir un risque juridique permanent, tout en évitant la prolifération de contenus illégaux en ligne.

La loi française sur la confiance dans l’économie numérique, adoptée en 2004, dispose que les plates-formes numériques ne sont pas pénalement responsables des messages publiés par leurs utilisateurs si, et seulement si, elles suppriment rapidement les contenus illégaux qui leur sont signalés. Un principe simple, initialement critiqué mais qui s’est avéré, avec le temps, très efficace, en fournissant un cadre juridique clair et fonctionnel. Le DSA l’a mis à jour en ajoutant des obligations de transparence et de moyens en matière de modération.

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