Comme annoncé durant la compagne électorale de la présidentielle américaine, Elon Musk se lance officiellement en politique. Le nouveau président élu, Donald Trump a annoncé, sur X, confier au multimilliardaire la codirection d’une nouvelle structure baptisée Department of Government Efficiency (Doge). Dans un autre contexte, son acronyme prêterait à sourire. Il renvoie au dogecoin, une cryptomonnaie dont Elon Musk fait régulièrement la promotion. Son cours s’est d’ailleurs envolé de près de 90 % depuis la réélection de Donald Trump.
A la tête de ce Doge, le « formidable » Elon aura pour mission de « démanteler la bureaucratie gouvernementale, réduire les réglementations excessives, réduire les dépenses inutiles et restructurer les agences fédérales – essentielles au mouvement « Save America » ». Donal Trump évoque un nouveau « projet Manhattan », faisant référence au nom du programme qui a permis aux États-Unis de se doter de la bombe atomique.
L’homme le plus riche au monde dirigera ce Doge, qui opérera en dehors du gouvernement fédéral, en tandem avec Vivek Ramaswamy. Candidat républicain malheureux lors des primaires républicaines, ce diplômé de Havard et de Yale, né de parents d’origine tamoule, fait également du business dans la tech. Il est le cofondateur et le président exécutif de Strive Asset Management, une société de gestion d’actifs qui compte parmi ses investisseurs le vice-président JD Vance et le libertarien Peter Thiel, cofondateur de PayPal, autre partisan de Trump.
2 000 milliards de dollars d’économie
Limitée dans le temps, la mission du Doge doit s’arrêter le 4 juillet 2026, à l’occasion du 250ème anniversaire de la Déclaration d’indépendance. « Un gouvernement plus petit, avec plus d’efficacité et moins de bureaucratie, sera le cadeau parfait pour l’Amérique », se réjouit déjà Donadl Trump. D’ici là, les deux hommes seront chargés de passer au peigne fin les dépenses publiques pour « éliminer le gaspillage et les fraudes massives. » « Ils travailleront ensemble pour libérer notre économie et rendre le gouvernement américain responsable devant « nous, le peuple » », conclut Donal Trump.
Lors du grand meeting de la campagne électorale au Madison Square Garden, fin octobre, Elon Musk a déclaré pouvoir économiser 2 000 milliards de dollars sur les dépenses fédérales, soit environ 7 % du produit intérieur brut. S’il l’homme d’affaires n’a pas précisé en combien d’années il comptait atteindre cet objectif, il ne pourra pas ne pas toucher à la retraite par répartition et à l’assurance-maladie pour les personnes âgées que « Donald Trump a pourtant promis de préserver », rappelle Le Monde.
Très étonnant dans sa réaction, le nouveau ministre français de la Fonction publique, Guillaume Kasbarian a tweeté : « J’ai hâte de partager les meilleures pratiques pour faire face à l’excès de bureaucratie, réduire les formalités administratives et repenser les organisations publiques au profit de l’efficacité des fonctionnaires. » Ces derniers soumis au régime sec – gel du point d’indice, suspension de prime – apprécieront.
Les régulateurs sous pression ?
Cette nomination de l’homme d’affaires interroge sur les risques de conflit d’intérêts. Alors qu’il a, rappelons-le, vocation à restructurer les agences fédérales, le patron de Tesla, de SpaceX et de X pourrait en profiter pour servir sa cause. SpaceX a adressé plusieurs demandes auprès de la FCC, l’autorité de régulation du secteur des télécoms. Starlink, sa filiale spécialisée dans l’internet par satellite, compte notamment lancer un service de téléphonie mobile. Sept opérateurs télécoms européens, dont Orange, ont demandé à la FCC de bloquer cette initiative. Pas sûr qu’ils bénéficient désormais d’une écoute aussi attentive.
Rappelons, par ailleurs, que l’État fédéral est le principal client de SpaceX, la Nasa multipliant les contrats avec ce dernier faute de lanceur en propre. Le dernier en date, d’un montant de 843 millions de dollars américains, vise à démanteler la Station spatiale internationale (SSI).
De son côté, le Pentagone aurait demandé à SpaceX de déployer des satellites espions selon Reuters tout en le défrayant de la couverture réseau dispensée par Starlink (à l’origine gracieusement) à l’armée ukrainienne.
Un bénéfice pour Tesla ?
Le leader de la voiture électrique haut de gamme Tesla pourrait aussi bénéficier de la nomination de son dirigeant. « Les investisseurs boursiers ont fait s’envoler l’action Tesla, tablant sur le fait que l’entreprise obtiendrait plus facilement l’autorisation de faire rouler ses voitures sans conducteur », estime Le Monde.
La libéralisation annoncé du marché des cryptomonnaies devrait, par ailleurs, arrondir un peu plus la fortune d’Elon Musk, estimée à 300 milliards de dollars.
Enfin, à la tête du Doge, ce dernier pourra plus aisément faire pression auprès de la Commission européenne. Son réseau social, X, a été formellement mis en cause cet été pour des infractions au règlement sur les services numériques, le Digital Services Act (DSA). En août dernier, le multimilliardaire avait invité le commissaire européen Thierry Breton à l’origine de ce règlement à « aller se faire mettre » (« Fuck your own face »). Ambiance.