Exaspérées par les problèmes de raccordement et de panne, les collectivités locales réclament une commission d’enquête et soutiennent une proposition de loi pour changer les pratiques de la filière partout où le réseau est mutualisé.
Cet habitant de Melun pourrait se réjouir d’avoir enfin la fibre optique. Sauf que le raccordement a été réalisé de façon un peu particulière comme on peut le voir sur les photos ci-dessous. La ligne a été grossièrement fixée avec des parpaings à même le sol. “La cerise sur le gâteau”, c’est le boîtier de fibre optique qui a été carrément installé en le scotchant sur une remorque dans le jardin.
Des cas surréalistes comme celui-ci, l’Avicca, (Association des Villes et Collectivités pour les Communications électroniques et l’Audiovisuel) en découvre presque tous les jours partout où le réseau est mutualisé. Les collectivités locales ont donc décidé de taper du poing sur la table ce jeudi 7 juillet en annonçant deux mesures fortes “pour régler une bonne fois pour toutes le problème”, comme le promet Patrick Chaize, le président de l’Association. Lui-même sénateur et vice-président de la commission des Affaires Économiques, il va porter une proposition de loi destinée à changer les pratiques de la filière. Elle sera déposée la semaine prochaine.
Des sanctions pour les opérateurs commerciaux
Le texte prévoit des sanctions en cas de manquement. Les opérateurs et sous-traitants ne seront pas payés sur les fonds publics si les raccordements ne sont pas réalisés dans les normes, que certains équipements sont détériorés ou que le personnel employé est sous-qualifié, mal rémunéré ou ne respectant pas les règles de sécurité. Ils pourraient même être amenés à rembourser les frais engagés par les collectivités territoriales pour réparer les défaillances.
Officiellement, les opérateurs commerciaux ne reconnaissent que 3% de pannes. Mais l’Avicca préfère citer le chiffre de 75% des branchements qui ne seraient pas conformes. Car les lignes peuvent fonctionner dans des conditions d’installation très dégradées et précaires. Comme cette fibre optique filmée par un usager qui traverse la rue et sur laquelle roule les voitures. “Le réseau se déstructure et les erreurs sont réparées en faisant du bricolage”, tonne Ariel Turpin délégué général de l’AVICCA. “On ne fait ainsi qu’augmenter la probabilité de pannes dans le temps sur un réseau qui est pourtant neuf”.
Parallèlement à cela, une demande pour ouvrir une commission d’enquête va être déposée. L’idée est de faire la lumière sur la façon dont est utilisé l’argent public. Entre le financement de l’Etat et celui des collectivités, la facture est en effet salée puisqu’elle s’élève à environ 10 milliards d’euros. Sont-ils bien employés ?
Une forme d’uberisation du raccordement
La situation n’est pas nouvelle, les premiers signalements sont apparus dès 2017. Mais depuis, ni les engagements répétés des industriels de la filière, ni les coups de pression de la présidente de l’Arcep Laure de La Raudière n’ont réglé le problème. Pour Patrick Chaize, le fond du problème c’est le mode dérogatoire accordé à l’opérateur commercial pour qu’il réalise le raccordement final du client, alors même que le réseau est déployé par un opérateur d’infrastructure. Cette étape a fini par être déléguée à “une cascade de sous-traitants”, dénonce le sénateur. Ce qui aboutirait à une forme d’uberisation du raccordement. Par exemple, sur 330 euros d’argent public empoché par un opérateur commercial, il peut ne rester que 60 euros pour le technicien qui intervient en bout de course. “Ce n’est pas un problème de formation ni de manque de main d’oeuvre”, fait observer Ariel Turpin. “Les techniciens sont tout simplement trop mal payés et vont au plus vite”, ajoute-t-il.
Pour rappel, la France comptait 30,8 millions de Français éligibles à la fibre optique au mois de mars dernier, ce qui fait de notre pays un véritable champion dans ce domaine en Europe. Un beau tableau quelque peu écorné par toutes ces remontées du terrain.