Encore une messagerie du crime qui tombe sous les coups de boutoir des policiers. La plateforme Matrix – également connue sous les dénominations Mactrix, Totalsec, X-quantum et Q-Safe – pointait dans des messages à ses usagers les défaillances d’Encrochat, de Sky ECC, d’Anom ou encore de Ghost, visée par une opération policière il y a quelques mois.
Mais ce service qui prétendait être une Rolls-Royce des messageries du crime, visiblement créé dans la foulée des démantèlements d’Encrochat en juin 2020 et de Sky ECC en mars 2021, vient finalement de chuter elle aussi le mardi 3 décembre 2024.
“Ce n’est pas la première fois et ce ne sera pas la dernière que nous pouvons lire les messages en temps réel, avertit l’agence de police européenne Europol dans un message qui joue sur les codes autour du film “Matrix”. Nous avons eu accès à des données [de correspondance] et notre enquête ne s’arrête pas là.”
“Techniquement plus complexe”
Le service de messagerie, qualifié de “sophistiqué”, a en effet été démantelé par les autorités françaises – l’office anti-cybercriminalité a été à la manœuvre – et néerlandaises, une opération baptisée « Passion Flower ». Cela faisait trois ans que cette plateforme était dans le viseur de la justice, après la découverte de l’application au Pays-Bas dans le téléphone d’un criminel condamné pour le meurtre d’un journaliste néerlandais, Peter R. de Vries.
“L’infrastructure de cette plateforme était techniquement plus complexe que les plateformes précédentes telles que Sky ECC et EncroChat », signalent l’agence européenne de coopération judiciaire Eurojust et Europol, sans donner toutefois plus de précisions.
“Son système de chiffrement était plus abouti, pensé de manière à sécuriser au maximum les conversations”, précise à ZDNET.fr Julie Benoit, la cheffe du pôle cyberenquêtes de l’office anti-cybercriminalité.
“Technologie innovante”
Avec un brin de mystère, Europol et Eurojust précisent qu’une “technologie innovante” a permis l’interception du service et sa surveillance pendant trois mois. Le service de messagerie s’appuyait sur une quarantaine de serveurs, les principaux étant basés en France et en Allemagne. “Il s’agissait des serveurs réseaux et de chat, ceux qui nous ont permis de parvenir aux déchiffrements des conversations”, souligne Julie Benoit.
En tout, 2,3 millions de messages en 33 langues sont désormais accessibles aux enquêteurs. Les téléphones Matrix étaient vendus entre 1300 et 1600 euros à une clientèle triée sur le volet, vraisemblablement le haut du spectre de la criminalité organisée. Soit environ 8000 comptes qui devraient permettre l’ouverture d’enquêtes judiciaires sur des trafics de stupéfiants, des affaires de blanchiment ou encore du trafic d’armes.
Un suspect a également été arrêté en France. Ce ressortissant lituanien est suspecté, avec deux autres personnes arrêtées en Espagne, d’être derrière le fonctionnement de la messagerie. Au total, 145 000 euros en espèces ont été saisis et 500 000 euros en crypto-monnaies, ainsi que quatre voitures, plus de 970 téléphones et une villa en Espagne d’une valeur de 15 millions d’euros, précisent les autorités.