« La démocratie fonctionne sur la bêtise présumée de la masse, par définition, bête manipulable. » Fin juin, sur YouTube, Papacito affiche toute sa déception. Le youtubeur d’extrême droite – un qualificatif qu’il récuse – a cru un moment à la victoire d’Eric Zemmour à la présidentielle, en raison de son « énergie énorme ». Depuis la défaite, il conseille à sa communauté de se retirer du monde. L’urgence, fuir les grandes villes, ces « nids à criminalité » et aller vivre en autarcie à la campagne. « Equipez-vous pour vous défendre », suggère-t-il, tout en sous-entendus.
A 36 ans, Ugo Gil Jimenez, un Toulousain d’origine espagnole, qualifié par Eric Zemmour de « sympathique » et d’« intelligent », disserte sur la politique et dispense ses conseils de vie aux internautes depuis 2018. Sa chaîne YouTube compte 184 000 abonnés. Mais on peut désormais le retrouver sur son autre chaîne, « Les Droitards ». Il n’est pas seul sur le créneau de la droite radicale : Le Raptor compte 736 000 abonnés, Valek, 383 000, Greg Toussaint, 324 000, Stéphane Edouard, 318 000, Baptiste Marchais, 267 000 et Bruno Le Salé, 270 000. Outre YouTube, tout ce petit monde est également présent sur Instagram, Gettr ou Twitter… Pour vivre, certains vendent du coaching, comme Stéphane Edouard, spécialisé dans la séduction, ou des produits de nutrition, comme Le Raptor, passionné de fitness. D’autres, des livres, à l’image de Papacito, qui est ainsi régulièrement invité par André Bercoff sur Sud Radio ou par « VA + », la chaîne YouTube de Valeurs actuelles.
Ces influenceurs cherchent à former la culture politique d’un public jeune, généralement âgé de 15 à 35 ans. Certaines vidéos peuvent être visionnées des millions de fois. « Parfois autant que celles de TF1 ou de France 2. C’est beaucoup pour un contenu politique », estime Tristan Boursier. Selon ce doctorant en théorie politique à Sciences Po Paris, il n’y a pas, de l’autre côté de l’échiquier politique, une communauté d’une telle ampleur : « A gauche, les influenceurs les plus importants sont Usul et Bonjour Tristesse. » Le premier bénéficie d’un partenariat avec Mediapart, et le second compte 234 000 abonnés.
Masculinisme, « anti-égalitarisme », « suprémacisme blanc »
Dans la mouvance d’extrême droite, les influenceuses se font plus rares. La plus connue s’appelle Estelle Redpill. A 26 ans, la jeune femme, qui compte 15 800 abonnés sur TikTok, ne craint pas de choquer. Dans l’une de ses dernières vidéos, elle relativise le rôle des Etats-Unis lors de la seconde guerre mondiale. S’ils nous ont « libéré du nazisme », c’est pour mieux « nous manipuler par la suite ».
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