Les droits de douane exorbitants imposés par Donald Trump à la Chine pourraient accélérer la diversification des lignes de production des entreprises qui y font fabriquer leurs produits. C’est le cas d’Apple qui fait produire des appareils en Inde, au Vietnam ou encore au Brésil. Mais le président américain veut plus : il estime que l’iPhone pourrait être fabriqué aux États-Unis. Est-ce seulement imaginable, et surtout à quel prix ?
Donald Trump pense que les États-Unis ont tout ce qu’il faut — ressources et main d’œuvre — pour produire des iPhone, comme l’a affirmé cette semaine Karoline Leavitt, la porte-parole de la Maison Blanche. Est-ce la réalité ? Plusieurs analystes se sont penchés sur la question et leurs réponses ne sont guère encourageantes pour le consommateur américain.
Jusqu’à 3 500 $ l’iPhone fabriqué aux États-Unis
Les estimations divergent : pour Bank of America, un iPhone 16 Pro passerait de 1 199 $ à 1 500 $ (+25 %) s’il devait être assemblé aux États-Unis. Pour Wedbush, ce prix grimperait à 3 500 $ (!) si Apple devait créer une chaîne de production complète aux États-Unis. Une opération absolument titanesque qui nécessiterait un investissement d’au moins 30 milliards de dollars sur trois ans, pour déménager 10 % de son écosystème industriel sur le sol américain (les iPhone destinés au reste du monde continuerait d’être produits en Asie).
Assembler est une chose, et déjà c’est extrêmement compliqué. Howard Lutnick, le secrétaire au Commerce de Donald Trump, a affirmé que « l’armée de millions et de millions d’êtres humains qui vissent de petites vis pour fabriquer des iPhone (…) va arriver en Amérique », il faut encore que les travailleurs américains acceptent ce genre de job peu qualifié aux conditions de travail exténuantes.
La main d’œuvre aux États-Unis n’est pas la même qu’en Chine, et elle n’est pas payée pareil non plus : au plus fort de la production de l’iPhone, l’heure de travail chez Foxconn était rémunérée l’équivalent de 3,63 $ (accompagnée d’une prime à l’embauche de 1 000 $). En Californie, le salaire horaire minimum est de 16,50 $, et il est plus bas dans d’autres États américains. Bank of America estime que le coût de la main d’œuvre pour l’assemblage d’un iPhone se monterait à 200 $ aux États-Unis, contre 40 $ en Chine.
Mais l’assemblage n’est pas une fin en soi. Il faut aussi que les différents composants soient conçus aux États-Unis pour éviter les droits de douane sur leur importation. Et l’iPhone est un produit mondial dont la quasi-totalité des pièces vient des quatre coins du globe. Les semi-conducteurs ne font pas partie, pour le moment, des produits taxés par Trump. Mais qui sait, le président US pourrait décider sur un coup de tête d’imposer des tarifs douaniers sur ces composants aussi.
Liberty Phone, un exemple à 2 000 $
Intégrer l’ensemble des opérations de l’iPhone aux États-Unis serait donc particulièrement coûteux, ce d’autant que certains composants indispensables comme les terres rares ne sont tout simplement pas disponibles sur place. Les compétences sont également au gros souci. Todd Weaver, le patron de Purism, produit le smartphone Liberty Phone aux États-Unis, avec un maximum de composants provenant du pays.

Dans une interview avec 404media, il explique que si fabriquer un smartphone haut de gamme — de type iPhone ou Galaxy S — aux États-Unis est possible techniquement, cela nécessiterait des années, des investissements massifs et un marché stable pour garantir un retour sur investissement.
Selon lui, la difficulté principale réside dans le transfert de compétences : la Chine, et en particulier Shenzhen, regorge d’ingénieurs spécialisés en électronique (EE), avec des usines et des équipes capables d’assembler et tester des produits à grande échelle. Aux États-Unis, ces profils sont rares. Former de tels ingénieurs demanderait plusieurs années.
Le Librem 5, un smartphone milieu de gamme fabriqué en Chine coûte 799 $, pour un coût de production d’environ 550 $. Le Liberty Phone, son équivalent américain fabriqué aux États-Unis par Purism, coûte 2 000 $ à la vente, avec un coût de production de 650 $. Cette différence s’explique non seulement par les coûts supplémentaires liés à la fabrication locale et au sourcing de composants, mais aussi par le positionnement : sécurité renforcée, audit de chaque composant, traçabilité complète — des éléments destinés à des clients sensibles comme les agences gouvernementales, une niche visée par Purism.
Plutôt que de se lancer dans ces grandes manœuvres, Apple tentera plutôt d’obtenir des exemptions. Tim Cook y était habilement parvenu pendant le premier mandat de Donald Trump, et le président américain a finalement laissé entendre qu’il pourrait donner des sauf-conduit au cas par cas. Le plus vite sera le mieux : les droits de douane sur les produits chinois sont désormais de 145 %… Le téléphone doit beaucoup sonner entre Cupertino et la Maison Blanche.
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Source :
CNBC