Le 6 juin dernier, Apple a fait bien plus qu’introduire deux nouveaux portables, les MacBook Pro 13 pouces et MacBook Air. Il a aussi dévoilé la première étape, le socle de sa deuxième génération de SoC pour Mac. Le M2 est ainsi tout à la fois une puce à considérer en tant que telle et la promesse de ce qui va arriver. Mais cette promesse, qui peut sonner comme le chant des sirènes et pousser à aller trop loin. On en a vu depuis l’annonce des nouvelles puces Apple rêver tout haut à la puissance des futurs M2 en extrapolant leurs fantasmes à partir du premier représentant de la famille.
Quelques précautions nécessaires
Il est donc essentiel de garder les pieds sur Terre, et conserver deux points importants en tête.
Le premier est que le M2 est le remplaçant du SoC M1, et non de la famille M1. Il ne prétend pas pouvoir tenir tête aux M1 Pro, M1 Max et M1 Ultra. Des déclinaisons du M2, taillées sur mesure pour répondre aux besoins que couvrent ces différents SoC, arriveront dans les mois à venir pour les remplacer un à un.
Le deuxième point à garder en tête, c’est que le M2 peut laisser entrapercevoir un peu du potentiel des M2 Pro, Max et Ultra, mais il est difficile d’extrapoler ce que donneront les SoC plus puissants de la famille M2 à partir de ce premier modèle. D’une part, parce qu’Apple pilote ses puces avec précision, ajoutant et restreignant certains points pour construire le SoC qui lui faut dans un Mac particulier. D’autre part, parce qu’il y a de très nombreux critères (plus ou moins complexes) qui entrent en ligne de compte.
Comparer le M2 et ses grands frères
Alors, concentrons-nous d’abord sur la comparaison du M2 avec la puce qu’il remplace réellement, à savoir le M1. On a déjà eu l’occasion de le faire à deux reprises lors de nos tests des MacBook Air et Pro, nous l’allons donc pas nous alanguir sur le sujet.
On constate un progrès mesuré pour la partie Single Core, avec Geekbench 5. En multicore, on sent que le M2 est bien plus à son avantage, ce qui est somme toute logique, pour deux raisons. Le M2 est une adaptation du A15, comme le M1 l’était du A14. Or, pour l’A15, Apple a surtout dopé ses puces basse consommation, les core Blizzard, n’apportant pas beaucoup de puissance supplémentaire aux cœurs principaux, baptisés Avalanche. De facto, dans une architecture de type big.LITTLE (des gros cœurs musclés, des petits cœurs moins gourmands), il semblerait que ce soit les cœurs les plus économes en énergie qui bénéficient du plus gros saut en avant, au point que le terme LITTLE ne leur convienne plus tant que ça… Et c’est bien pour ça que le M2 s’avère si à l’aise en multitâche, quand tous les cœurs travaillent à l’unisson. D’où les gains marqués en multicoeur, que ce soit avec Geekbench 5 ou Cinebench R23, environ 16% de gain avec le premier et 11% avec le second.
Mais, comme avec l’A15, les plus gros progrès du M2 se constatent côté GPU. Apple a surtout misé sur une progression de la partie graphique. On y trouve plus de cœurs que dans le M1, pour commencer.
Apple annonçait un gain de 35% de performances entre ses deux puces d’entrée de gamme, le score Geekbench Compute est bien plus généreux, avec 55% de mieux dans certains cas. Il est intéressant en tout cas de rappeler que lors de la présentation du M2, Apple annonçait que ce gain de 35% s’accompagnait d’une hausse faible de la consommation électrique, et donc de l’échauffement de la puce.
Un rapport qui est évidemment plus marqué sur le MacBook Air, plus compact et incapable de refroidir sa puce efficacement puisqu’il n’a pas de ventilateur, et à peine de dissipateur thermique passif.
Nos relevés confirment cet état de fait. Si le MacBook Air M2 ne consomme que 2,4 W de plus en effort maximal, il est en revanche bien plus chaud, puisque nous avons enregistré une température de plus de dix degrés celsius supérieure à celle du MacBook Air M1. Le MacBook Pro lui échappe à ces pics « caniculaires » grâce à ses ventilateurs.
Le M2 contre ses grands frères…
Passons au dur de la comparaison. A l’opposition de résultats entre le M2 et les M1 Pro, Max et Ultra. Penser que le M2 a, avec ses 8 coeurs CPU et 8 ou 10 GPU, la possibilité de faire mieux que les M1 Pro, Max et Ultra, c’est oublier la réalité. Ces puces embarquent plus de coeurs, plus de transistors, leur architecture est optimisée et elles gèrent plus de mémoire vive. Bref, c’est oublier qu’il y a une construction de gamme et que les appellations Pro, Max et Ultra ont un sens. Il faudrait un saut générationnel des performances incroyable – et impossible à atteindre – pour que le SoC d’entrée de gamme surplombe ses aînés plus haut de gamme.
De fait, il n’y a qu’un point où le M2 fait mieux. On constate, sans surprise, que la partie Single Core est meilleure pour le M2. Toujours ces cœurs améliorés, notamment avec une fréquence de fonctionnement un peu plus élevée. Quand on se concentre sur le score multicoeur, on remarque que le M2 se place en deçà du M1 Pro, que nous avons testé dans sa configuration avec 8 cœurs CPU et 14 cœurs GPU. La logique de gamme est donc respectée.
Il est intéressant en revanche de noter que les progrès du M2 pour la partie graphique lui permette d’offrir un bon score Compute avec Geekbench 5. Là où le MacBook Air M1 était un peu plus de deux fois moins puissant que le MacBook Pro 14 avec un M1 Pro, la différence de performance entre le M2 et le M1 Pro n’est que de 20%… Voilà qui laisse présager du bon pour l’avenir, même si nous ne lancerons pas dans des pronostics risqués.
Si on veut continuer à jouer le petit jeu de la comparaison, malgré ses progrès énormes, le M2 est toutefois plus de deux fois moins puissant pour la partie graphique que le M1 Max, et 3,7 fois moins performant que le M1 Ultra. Ce qui est évidemment logique puisque le M1 Ultra consiste, grosso modo, à deux M1 Max accolés pour ne former qu’une seule et même puce.
Bref, on le voit, le M2 n’est pas le remplaçant de tous les M1. Loin s’en faut. Ce n’était pas son intention du tout. Mais mettre côte à côte les résultats peut aider à faire comprendre à quel point ces puces sont différentes. A quel point Apple construit une gamme de SoC comme il construit des gammes de produits. Les M1 et M2 sont des produits taillés sur mesure pour animer… des produits.
Pourquoi il faut se garder de tirer des plans sur la comète
Maintenant que la comparaison est terminée, donnons quelques détails pour expliquer pourquoi nous ne nous lançons pas dans des règles de proportionnalité pour deviner au doigt mouillé quelles seront les performances des M2 Pro, M2 Max et M2 Ultra.
La réponse rapide est qu’il y a bien trop d’éléments qui peuvent influer sur les performances d’un SoC. La réponse un peu plus longue peut se faire en quelques points, comme suit.
Le point différenciant le plus évident est le facteur de forme et le recours à des structures de refroidissement différentes. Le meilleur exemple de cette réalité est bien sûr la différence entre le MacBook Air et le MacBook Pro M2. L’ultraportable historique est doté d’un boîtier plus fin, sans ventilateur et même sans réel dissipateur de chaleur, le M2 se trouve donc contraint de réduire ses ambitions en matière de performances bien plus rapidement. Il chauffe et throttle alors que le M2 dans le MacBook Pro continue à maintenir un plancher de puissance développées plus élevé.
Mais parmi les critères beaucoup plus techniques qui peuvent tout changer, il y a, par ailleurs, le nombre de cœurs embarqués et leur répartition entre cœur haute performance et basse consommation. Si les dernières indiscrétions glanées par Mark Gurman, de Bloomberg, sont fondées, il semblerait qu’Apple s’apprête à fortement augmenter le nombre de cœurs CPU et surtout GPU dans ses futures puces de la famille M2.
Le poids de la mémoire unifiée
Vient ensuite, bien entendu, la question de la quantité de RAM maximale supportée, et tout ce qui touche à la mémoire vive (ou dans un autre domaine : cache)… Car le choix technologique de la mémoire unifiée, retenu par Apple, aboutit à une sorte de « sublimation » des forces (et éventuelles faiblesses) des processeurs Apple Silicon. L’équilibre entre la partie CPU et GPU, le travail d’optimisation logicielle pour tirer le meilleur du matériel (Metal en tête), tout cela est renforcé par la mémoire unifiée, partagée entre CPU et GPU.
Le M1 adressait au maximum 16 Go de Ram unifiée, tandis que le M2, lui, voit son plafond fixé à 24 Go – une hausse de 50%. L’architecture du M1 affichait un bus de 128 bit, compatibles avec la LDPDDR4X à 4 266 Mbit/s, pour une bande passante mémoire qui se retrouvait coincée à 68,25 Go/s.
Pour le M2, les équipes de Johny Srouji ont conservé une interface mémoire de 128 bit, toujours, mais avec de la LPDDR5 (6 400 Mbit/s) – type de mémoire utilisé pour tous les processeurs de la gamme M1, à l’exception du M1 lui-même. Le nouveau SoC d’Apple affiche ainsi une bande passante mémoire de 100 Go/s.
Pour mise en perspective, le M1 Pro, avec une interface mémoire 256 bit et le même type de mémoire, affiche une bande passante deux fois plus importante à 200 Go/s. Le M1 Max bénéficie lui d’une interface de 512 bit, et donc une bande passante de 400 Go/s.
On peut donc imaginer qu’Apple recourra aux mêmes astuces pour augmenter les performances mémoire de ses M2 Pro et Max. Les équipes du géant de Cupertino pourront aussi éventuellement élargir le bus mémoire, mais cela complique les choses, a ses limites et surtout un coût.
Il y a également des dizaines d’éléments techniques sur lesquels Apple n’a pas communiqué pour le moment. Il est donc très difficile d’affirmer que les 50% de gain en bande passante mémoire affichés entre le M1 et le M2 se retrouveront entre le M1 Pro et son remplaçant. En revanche, on peut imaginer que la quantité maximale de mémoire supportée pourrait croître de 50% sur tous les SoC M2 à venir (48 Go au lieu de 32, 96 Go au lieu de 64, 192 au lieu de 128, etc.).
Pour s’éloigner de la RAM, précisons également que les équipes de Johny Srouji pourront également augmenter la quantité de mémoire cache de niveau 2 dans le SoC. Par exemple, le M2 en embarque 16 Mo là où le M1 en incluait 12 Mo. Et cette différence n’est certainement pas étrangère aux performances supérieures affichées par le M2.
Les progrès du media engine entre le M1 et le M2 sont également très impressionnants. La prise en charge de la 8K et des formats ProRes est un pas majeur en avant, même s’il demeure anecdotique sur des Mac destinés au grand public. Il est évident que les M2 Pro et M2 Max iront plus loin et auront tout intérêt à muscler leur jeu dans ce domaine, puisqu’ils animent des machines destinées aux professionnels qui affrontent souvent des vidéos UHD.
Le poids du processus de fabrication
De même, il est très difficile de faire une projection sur les performances même de ces futures puces, car tout dépendra également beaucoup du processus de gravure utilisé pour les fabriquer. Le M1 était gravé en 5 nm par TSMC. Le M2 l’est également en 5 nm, mais avec la deuxième génération de ce procédé de fabrication, et le poids de cette technologie n’est pas anecdotique. Même si Apple rechigne à en dire plus quand on l’interroge.
En tout cas, au vu des progrès de TSMC dans sa roadmap technologique, il est fort possible que les M2 Pro et M2 Max soient gravés en 3 nm… Le seul passage à cette taille de production devrait permettre d’aboutir à des SoC qui consommeront entre 25 et 30% moins d’électricité, tandis que la densité de transistors pourrait croître selon un facteur 1,7, d’après TSMC lui-même…
Autrement dit, le M2 n’est qu’une première étape, il promet beaucoup et tient sa parole. Les autres SoC de la famille auront certainement des arguments à faire valoir. D’autant qu’ils devraient avoir l’honneur d’accompagner le retour de l’iMac Pro, la montée en puissance du Mac Studio et la bascule du Mac Pro loin des Xeon d’Intel et vers les puces Apple Silicon.