La fondation Python (PSF en anglais, pour Python Software Foundation) a annoncé le 27 octobre renoncer à une subvention de 1,5 million de dollars (1,3 million d’euros), refusant de plier aux exigences politiques du gouvernement Trump. En janvier 2025, explique-t-elle, «la PSF a déposé une proposition auprès de la National Science Foundation (NSF) dans le cadre du programme « Sécurité, sûreté et confidentialité des écosystèmes open source » afin de remédier aux vulnérabilités structurelles de Python et PyPI. C’était la première fois que la PSF sollicitait un financement public, et ce processus complexe a représenté un véritable défi pour notre petite équipe.»
Un processus de plusieurs mois
Le processus d’évaluation a duré plusieurs mois. «Nous étions convaincus que le travail de la PSF correspondait parfaitement aux objectifs du programme et que l’acceptation de notre proposition aurait été très bénéfique pour la communauté.» La demande de financement a été acceptée, ce dont la fondation se félicite d’autant plus que «seulement 36% des nouveaux candidats aux subventions de la NSF obtiennent gain de cause dès leur première tentative.
Cependant, s’est inquiétée la PSF, «nous avons été préoccupés par les conditions auxquelles nous serions tenus d’accepter la subvention. Parmi ces conditions figurait l’affirmation que nous « ne menons pas, et ne mènerons pas pendant la durée de cette aide financière, de programmes promouvant la DEI (diversité, équité et inclusion) ou une idéologie d’équité discriminatoire en violation des lois fédérales anti-discrimination».
Par une de ces inversions orwelliennes du langage qui prolifèrent sous Trump II, c’est officiellement au nom de lois anti-discrimination qu’est imposée une politique interdisant les mesures en faveur de la DEI, autrement dit des mesures anti-discrimination – politique sous forme d’un texte signé par Donald Trump dès le jour de son retour à la Maison Blanche, le 20 janvier 2025 décret-loi, ou « executive order » en VO, n° 14151).
L’administration Trump cherche même à étendre cette exigence à l’international, puisque des entreprises françaises ont reçu en mars des courriers de l’ambassade des Etats-Unis les interrogeant sur l’existence de politiques anti-discrimination chez elles.
La condition anti-DEI à la subvention est d’autant plus redoutable, pour l’organisation qui l’accepterait, que «cette restriction s’appliquerait non seulement aux travaux de sécurité directement financés par la subvention, mais à l’ensemble des activités de la PSF. De plus, toute violation de cette condition donnerait à la NSF le droit de récupérer les fonds précédemment approuvés et transférés. Cela créerait une situation où des sommes déjà dépensées pourraient être récupérées, ce qui représenterait un risque financier considérable et sans limite.»
Accepter serait «une trahison de notre mission et de notre communauté»
«La diversité, l’équité et l’inclusion sont au cœur des valeurs de la PSF, comme l’indique notre mission», «promouvoir, protéger et faire progresser le langage de programmation Python, et soutenir et faciliter le développement d’une communauté internationale et diversifiée de programmeurs Python. Compte tenu de l’importance de cette subvention pour la communauté et la PSF, nous avons tout mis en œuvre pour clarifier les conditions et trouver un moyen d’avancer en accord avec nos valeurs. Nous avons consulté nos contacts à la NSF et examiné les décisions prises par d’autres organisations dans des circonstances similaires (…) En fin de compte, la PSF ne peut toutefois pas accepter une déclaration selon laquelle nous ne mettrons en œuvre aucun programme visant à « faire progresser ou promouvoir » la diversité, l’équité et l’inclusion, car cela constituerait une trahison de notre mission et de notre communauté.»
La fondation Python souligne sa déception d’être contrainte à cette décision, «car nous sommes convaincus que notre projet apporterait des avancées considérables à la communauté Python et à l’ensemble de la communauté open source, en protégeant des millions d’utilisateurs de PyPI contre les tentatives d’attaques ciblant la chaîne d’approvisionnement. Ce projet permettrait de créer de nouveaux outils pour l’analyse proactive et automatisée de tous les paquets téléchargés sur PyPI, en remplacement de l’analyse réactive actuelle.
Ces outils novateurs s’appuieraient sur une analyse des capacités, conçue à partir d’un ensemble de données de logiciels malveillants connus. Au-delà de la simple protection des utilisateurs de PyPI, les résultats de ce travail pourraient être transposables à tous les registres de paquets logiciels open source, tels que NPM et Crates.io, améliorant ainsi la sécurité de multiples écosystèmes open source.»
Un budget annuel de 5 millions de dollars
Un renoncement qui constitue un gros sacrifice, car la fondation précise que «la PSF est une organisation relativement petite, fonctionnant avec un budget annuel d’environ 5 millions de dollars et une équipe de seulement 14 personnes. 1,5 million de dollars sur deux ans auraient représenté une somme importante pour nous, et de loin la plus importante subvention que nous ayons jamais reçue. Cependant, la valeur du travail accompli et le montant de la subvention n’ont pas primé sur le respect de nos valeurs et la préservation de notre liberté de soutenir tous les membres de notre communauté. Le conseil d’administration de la PSF a donc voté à l’unanimité le retrait de notre candidature.»
La fondation, qui a dès lors «plus que jamais besoin d’un soutien financier», invite à la soutenir, par des dons ou en adhérant à la PSF.Un appel qui lui vaut des réactions: elle a indiqué le 28 avoir reçu la veille 65.000 dollars de dons et accueilli 137 nouveaux membres. Son appel annuel aux dons aura lieu en novembre.
Pendant ce temps, les géants de la tech rivalisent de servilité envers l’administration Trump (du golfe du Mexique devenu «golfe de l’Amérique» dans Google Maps à l’exaltation de «l’énergie masculine» de Mark Zuckerberg (qui a jeté par dessus bord la politique passée de DEI chez Meta), jusqu’au dîner du 4 septembre à la Maison Blanche, avec Sam Altman (OpenAI), Bill Gates (Microsoft), Tim Cook (Apple) et Sundar Pichai (Google/Alphabet), puis à la réunion de donateurs pour la future salle de bal géante de la résidence présidentielle, le 15 octobre – parmi ces généreux mécènes, Amazon, Apple, Meta, Google, Microsoft, Palantir…
Un seul mot pour cette décision de la fondation Python : chapeau !
Image: la statue de la Liberté à New York. Photo Ronile / Wikimedia Commons / CC0
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