Si c’était à refaire, il le referait. Le ministre de l’Économie néerlandais, qui était au cœur de la polémique entourant Nexperia, cette entreprise de semi-conducteurs des Pays-Bas au propriétaire chinois, a raconté les coulisses de la prise de contrôle au Guardian : un témoignage inédit.
« C’est comme un thriller économique » : jeudi 13 novembre, Vincent Karremans, le ministre de l’Économie néerlandais au cœur de la controverse visant Nexperia, ce fabricant de puces électroniques néerlandais au propriétaire chinois, est revenu dans les pages du Guardian sur les six dernières semaines. Alors que l’industrie automobile du Vieux continent retient toujours son souffle en cette mi-novembre, malgré l’annonce de la fin des restrictions de Pékin, le responsable politique néerlandais l’affirme. Non, il ne regrette rien. Et si c’était à refaire, il le referait.
Le 12 octobre dernier, la Haye annonçait une mesure exceptionnelle et inédite : la prise de contrôle de Nexperia, un fabricant de semi-conducteurs chinois basé aux Pays-Bas. La décision aurait été prise pour garantir que suffisamment de puces restent en Europe. Selon les Pays-Bas, il fallait éviter, coûte que coûte, que les produits fabriqués par Nexperia ne deviennent « indisponibles en cas d’urgence ». Cette entreprise, qui appartient au groupe technologique chinois Wingtech depuis 2019, fabrique des composants essentiels pour l’industrie automobile européenne et l’électronique grand public : des puces électroniques.
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Aucune pression des Américains, selon le ministre néerlandais
Or, selon le ministre, la décision a été prise parce que Nexperia transférait une partie de ses activités physiques de Hambourg vers la Chine. Et cela n’aurait rien à voir avec la décision, prise par les États-Unis le 29 septembre, d’inscrire Nexperia sur une liste noire américaine. Notamment parce que les Pays-Bas n’auraient pas accédé à leur demande : rendre Nexperia plus indépendante de sa maison mère chinoise. « Nous n’avons absolument pas été poussés ou soumis à des pressions ou quoi que ce soit d’autre par les États-Unis », affirme l’homme politique chez nos confrères.
« Si j’avais été dans la même situation, avec les connaissances que j’ai aujourd’hui, j’aurais fait la même chose », renchérit le ministre néerlandais de l’Économie. Tout aurait commencé en 2023, explique Vincent Karremans, lorsque les États-Unis ont informé les Pays-Bas qu’ils envisageaient d’inscrire Wingtech, la maison mère chinoise de Nexperia, sur une « liste d’entreprises pouvant constituer une menace pour la sécurité nationale ». Cela aurait empêché Nexperia de vendre ses produits à la majorité de ses clients.
Une tentative de délocalisation d’une partie de la production vers la Chine ?
« Ces restrictions étaient considérables, il était donc dans notre intérêt de collaborer avec les gouvernements américain et chinois ainsi qu’avec l’actionnaire chinois de Nexperia afin de trouver une solution », précise l’homme politique. Résultat, la Haye aurait entamé des discussions avec Zhang Xuezheng, le fondateur de Wingtech (la maison mère chinoise de Nexperia) et directeur général de Nexperia aux Pays-Bas. L’idée était de créer un conseil de surveillance indépendant et de convaincre Zhang Xuezheng de ne plus cumuler les fonctions de PDG et de directeur des ressources humaines.
Mais en septembre, les choses ne se passent pas comme prévu. Des sources lui apprennent que le même Zhang Xuezheng agirait en coulisses pour délocaliser la production de plaquettes de semi-conducteurs vers la Chine, avec les droits de propriété intellectuelle.
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Le ministre néerlandais aurait alors passé une série de coups de fil, à commencer par son homologue allemande, Katherina Reiche. Bruxelles, Washington, Pékin et Paris ont ensuite été appelés. S’en était suivie la décision choc de prendre le contrôle de Nexperia aux Pays-Bas. Puis les mesures de représailles de Pékin, qui a interdit à Nexperia Chine et à ses sous-traitants qui assemblent les pièces fabriquées aux Pays-Bas d’exporter ses produits vers l’Europe. De quoi faire trembler toute l’industrie automobile européenne, qui craint toujours des pénuries.
Malgré la fin des restrictions, les puces ne sont toujours pas arrivées sur le sol européen
Car si aujourd’hui, la situation semble s’être apaisée, tout n’est pas encore terminé, explique Vincent Karremans chez nos confrères. Le weekend dernier, Pékin, qui avait suspendu l’approvisionnement de puces, l’a finalement rétabli, après que les États-Unis ont suspendu les sanctions à l’encontre des entreprises figurant sur leur liste noire.
Mais depuis, les premières puces provenant des usines chinoises ne sont pas encore arrivées sur le sol européen. Le ministre attend le message des constructeurs automobiles et des clients de Nexperia qui lui diront : on a bien reçu les pièces. Et le ministre néerlandais de l’Économie espère que cela « servira d’électrochoc à l’Europe » qui dépend, dans ce cas de figure, d’un seul pays pour des matières premières essentielles.
Jeudi 13 novembre, le même Vincent Karremans a expliqué, dans un communiqué cité par Reuters, qu’une délégation du gouvernement néerlandais se rendrait à Pékin « pour poursuivre nos efforts et pour trouver une solution mutuellement acceptable ». Selon un article du Financial Times, c’est cette fois l’usine des Pays-Bas qui aurait bloqué l’envoi des pièces à assembler à son usine chinoise.
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