Des biens critiques, jusque-là fournis par la Chine, seraient bientôt obligatoirement fabriqués en Europe : c’est l’idée d’une future loi européenne qui sera présentée le 10 décembre prochain à Bruxelles. Elle pourrait contraindre nos industries à s’approvisionner obligatoirement auprès d’entreprises du Vieux continent, dans certains secteurs clés. Reste à définir les seuils, les composants et les produits concernés : autant d’éléments sur lesquels la Commission européenne resterait divisée.
Terres rares, semi-conducteurs, batteries… Comment rendre l’Europe moins dépendante de la Chine, dans ces secteurs clés ? Une proposition de loi européenne, qui sera présentée le 10 décembre prochain, imposerait aux entreprises du Vieux continent d’acheter certains produits sur le marché intérieur, relate le Financial Times, ce mercredi 3 décembre. L’objectif : que jusqu’à 70 % des « biens essentiels » soient « fabriqués en Europe ».
Depuis des mois, l’Union européenne (UE) tente de trouver des solutions à court terme face à ces dépendances quant aux terres rares, des matériaux indispensables à de nombreuses industries, et produites en majorité en Chine. Récemment, le dossier Nexpéria a montré à quel point l’industrie automobile européenne était dépendante de la Chine, après le gel de Pékin des exportations de certains semi-conducteurs.
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La future loi, appelée « Industrial Accelerator Act » ou loi d’accélération industrielle, chercherait à mettre fin à ces situations. Concrètement, elle pourrait imposer à des entreprises de certains secteurs, comme les fabricants de voiture, de s’approvisionner en composants produits jusqu’à 70 % en Europe.
Rester ouvert, tout en protégeant son industrie
À la barre de ce futur texte, l’« Industrial Accelerator Act », se trouve le Français Stéphane Séjourné, le commissaire européen à la Stratégie industrielle. Selon un responsable de l’UE cité par le Financial Times, l’Europe tente à la fois de protéger son industrie, tout en maintenant un principe « d’ouverture, cher à son ADN ».
Le responsable cite notamment la politique industrielle de Pékin du « Made in China 2025 », ou du « China Standards 2035 ». Ces mesures ont notamment contraint des sociétés étrangères à créer des co-entreprises avec des sociétés chinoises. Il s’agissait même d’une condition d’accès à l’immense marché chinois, qui a permis à la Chine de développer des pans entiers industriels.
Des transferts de savoir-faire obligatoires ?
Si l’idée d’adopter des règles similaires pour l’Europe est sur la table depuis longtemps, elle était jusqu’à présent combattue par des pays comme l’Allemagne. Mais la situation économique et géopolitique actuelle a changé la donne. Les pays sceptiques y seraient désormais favorables. Interrogé le 24 novembre par le même Financial Times, le Français Stéphane Séjourné a expliqué que « l’Industrial Accelerator Act » pourrait contraindre les investisseurs étrangers à transférer leur savoir-faire en Europe, dans « certains secteurs comme les batteries ».
Selon les sources du quotidien, le seuil de « contenu européen » obligatoire, allant jusqu’à 70 %, varierait en fonction du secteur et du degré de dépendance des entreprises européennes. Une analyse de la capacité de production autonome de l’UE, pour chaque composant, serait réalisée. Il ne s’agirait pas d’une obligation d’approvisionnement local générale : elle s’appliquerait seulement en cas de prêts ou de subventions ou aides publiques.
La Commission européenne toujours divisée
Reste que pour l’instant, la Commission européenne resterait divisée sur le contenu de la future loi. Alors que les équipes de Stéphane Séjourné seraient favorables à l’idée de seuils, la direction générale du Commerce de l’exécutif européen y serait toujours réticente. Il faudra aussi prendre en compte les règles de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), qui interdit à ses membres de favoriser les producteurs locaux, sauf impératifs de sécurité.
Selon des responsables contactés par nos confrères britanniques, la future politique pourrait coûter plus de 10 milliards d’euros par an aux entreprises européennes, car elle obligerait les sociétés du Vieux continent à acheter des composants européens plus coûteux, écrit le quotidien financier.
Le texte sera, dans tous les cas, scruté de près par Paris, alors qu’Emmanuel Macron est en ce moment en visite en Chine. Le mardi 2 décembre, le Gouvernement français, qui réunissait la filière automobile, a plaidé pour « une préférence européenne assumée ».
Pour Sébastien Martin, ministre délégué chargé de l’Industrie cité dans le communiqué du gouvernement, « l’Europe doit rester un continent qui produit. Si nous ne réagissons pas, l’Europe ne fabriquera plus les véhicules qu’elle consomme. Il faut rétablir l’équité, avec des droits de douane ciblés, un contenu local dans la réglementation et une conditionnalité des aides. Le 10 décembre, la Commission européenne doit envoyer un signal clair en faveur de notre souveraineté industrielle : produire en Europe doit redevenir un avantage ».
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