C’est une fronde inédite qui secoue le géant du téléchargement illégal français. Depuis ce début de semaine, YggTorrent est le théâtre d’un conflit ouvert entre ses administrateurs et ses utilisateurs les plus actifs. En cause : un durcissement commercial jugé inacceptable, qui a entraîné le bannissement d’une des équipes de pirates les plus populaires du réseau.
Habituellement, les menaces qui pèsent sur YggTorrent viennent de l’extérieur : blocages DNS, traque de l’Arcom ou saisies judiciaires. Mais en cette fin décembre 2025, le danger vient de l’intérieur. Le plus gros annuaire de liens BitTorrent francophone (successeur spirituel de T411) traverse une crise de gouvernance majeure qui pourrait sceller son sort.
Tout est parti d’une mise à jour technique déployée dimanche 21 décembre. Sans préavis, les administrateurs ont activé un mode « Turbo ». Derrière ce nom marketing se cache une restriction drastique pour les utilisateurs gratuits : une limite de 5 téléchargements par jour et l’imposition d’un délai d’attente de 30 secondes avant chaque lancement. Pour faire sauter ces verrous ? Il faut payer. Jusqu’à 86 euros pour un sésame « à vie ».
La Team QTZ bannie pour l’exemple
Si la pilule du « tout payant » a du mal à passer chez les simples utilisateurs, elle a provoqué une véritable révolte chez les Uploaders, ces bénévoles qui fournissent le contenu du site.
La Team QTZ, célèbre pour ses encodages de films en haute qualité (« 4K Light ») et pilier du catalogue du site, a publié un communiqué incendiaire pour dénoncer ce virage mercantile. Dans ce message, l’équipe fustige une plateforme qui « s’est toujours positionnée comme un intermédiaire […] non pas pour promouvoir la liberté et le partage, mais pour imposer une commission ».
Qualifiant cette mesure de « goutte de trop », le groupe a appelé à la grève générale : « Nous invitons les utilisateurs, ainsi que les teams et uploadeurs, à rejoindre le mouvement en coupant le seed [le partage] et en suspendant la publication de leurs travaux sur le site. Votre amour du partage ne doit pas servir à remplir les poches du propriétaire. »
La réponse de YggTorrent a été immédiate et brutale : le message a été censuré et le compte de la Team QTZ a été banni. Le mouvement a aussitôt fait tache d’huile : la Team BTT, un autre groupe influent de la plateforme, a également annoncé se retirer du site et s’est fait bannir dans la foulée. Référence en matière d’anime torrent, Tsundere-Raws semble aussi se retirer de YggTorrent.
La crainte de l’« exit scam »
Cette sanction radicale a mis le feu aux poudres. Sur les réseaux sociaux et les forums spécialisés (Reddit en tête), la colère gronde. La Shoutbox, le chat en direct du site, a dû être désactivée en urgence par les administrateurs pour endiguer le flot d’insultes et d’appels au boycott.
Officiellement, YggTorrent justifie ces restrictions par une lutte technique contre les « bots » et les serveurs surchargés. Officieusement, beaucoup d’observateurs craignent un « exit scam » (ou escroquerie de sortie en français). Dans le jargon du web souterrain, cela désigne la manœuvre d’un site illégal qui, sentant la fin approcher (lassitude ou menaces judiciaires), tente de maximiser ses profits à court terme en pressant ses utilisateurs comme des citrons, avant de disparaître avec la caisse.
Vers un nouvel exode ?
Le contrat moral du Peer-to-Peer (P2P), basé sur l’échange gratuit et l’entraide, semble rompu. De nombreux internautes cherchent désormais des portes de sortie. Des noms de trackers alternatifs plus confidentiels et fermés (comme Sharewood ou TheOldSchool) circulent déjà sous le manteau numérique, bien que leurs inscriptions soient souvent closes.
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Rappelons qu’en dépit de ces querelles internes, l’utilisation de YggTorrent et le partage d’œuvres protégées par le droit d’auteur restent strictement illégaux en France et exposent les utilisateurs à des sanctions pénales. Mais ironiquement, ce n’est peut-être pas la loi qui aura raison du géant français, mais l’avidité de ses propres créateurs.
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