Amazon est-il allé trop loin dans la surveillance de ses salariés ? Non selon le Conseil d’État

Amazon est-il allé trop loin dans la surveillance de ses salariés ? Non selon le Conseil d'État



Non, Amazon ne surveille pas excessivement ses salariés, estime la plus haute juridiction administrative, à l’inverse de ce qu’avait décidé deux ans plus tôt la CNIL. Mais le géant de l’e-commerce est tout de même condamné à une amende de 15 millions d’euros. Voici pourquoi.

Jusqu’où un employeur peut-il surveiller ses employés en France, via des outils numériques ? Mardi 23 décembre, la plus haute juridiction administrative, le Conseil d’État, a rendu une décision qui valide en partie les pratiques de suivi et de surveillance numériques des salariés d’Amazon en France. Ce à rebours de ce qu’avait jugé la CNIL (la Commission nationale de l’informatique et des libertés), le gendarme de notre vie privée, deux ans plus tôt.

Dans ce dossier, Amazon France Logistique, la branche du géant de l’e-commerce en charge de la gestion des entrepôts de la société, était accusée de suivre de manière excessive ses salariés, notamment via un scanner qui permet aux salariés de traiter les colis. À chaque étape, qu’il s’agisse de ranger un article, d’emballer un produit, de le stocker ou de l’enregistrer, l’employé utilise ce scanner. Or, l’appareil enregistre de nombreuses données d’activité comme le temps de traitement d’un colis, son temps d’inactivité…  Ces data sont remontées aux managers, qui peuvent ensuite demander des comptes, obligeant les salariés à justifier des interruptions d’utilisation du scanner. De quoi constituer un « suivi trop intrusif de l’activité et des performances des salariés », estimait la CNIL.

Pression continue, surveillance informatique excessive pour la CNIL

Si un « suivi précis des manipulations effectuées et de la situation de chaque salarié » n’est pas interdit, en particulier dans un entrepôt, les données collectées entraînaient une « surveillance informatique excessive du salarié », ce dernier subissant une « pression continue », écrivait le gendarme des données personnelles. En décembre 2023, l’autorité condamnait Amazon France Logistique à une amende très salée… de 32 millions d’euros.

Le gendarme en charge de défendre la vie privée des Français estimait que les dispositifs de surveillance des salariés mis en place par Amazon étaient excessifs. Ils violaient différentes dispositions du RGPD, le règlement général sur la protection des données (RGPD). En désaccord avec la décision, le géant américain avait fait appel en mars 2024, devant le Conseil d’État.

Et le juge lui a donné en partie raison. Dans une décision du mardi 23 décembre, et repérée par Nicolas Hervieu, juriste en droit public et enseignant à Sciences Po, sur son compte Bluesky, la plus haute juridiction administrative a réduit l’amende de 32 millions à 15 millions. Elle estime, d’un côté, que les systèmes mis en place par Amazon ne sont pas excessifs. Mais de l’autre, elle  confirme que les données collectées par le scanner sont conservées pendant 31 jours, un laps de temps jugé disproportionné qui est sanctionné par une amende réduite de moitié.

Pas d’atteinte à la vie privée et pas de dispositifs disproportionnés pour le juge administratif

Dans sa décision, le juge administratif passe en revue les trois indicateurs du scanner relevés par la CNIL. L’indicateur dit “stow machine gun” avait d’abord été jugé intrusif par l’autorité indépendante. Ce dernier collecte des données accessibles aux managers lorsque l’employé lit deux codes barres d’articles à ranger, à moins de 1,25 seconde d’intervalle.

Il permet de « signaler que deux gestes professionnels se sont succédé dans un intervalle de temps particulièrement bref, possiblement anormal, afin de repérer d’éventuelles erreurs de manipulation et de rangement au sein des entrepôts et pouvoir y remédier » estime le juge administratif. Selon ce dernier, l’outil n’impose pas de contraintes de rapidité d’exécution. Il ne porte pas non plus atteinte à la vie privée.

Deux autres indicateurs du scanner, l’« idle time », qui signale une période d’inactivité de l’appareil pendant plus de dix minutes, et le « temps de latence », qui enregistre « tout temps d’inactivité d’un même scanner en début et fin de journée de travail et avant et après les périodes de pause », sont aussi passés au crible. S’ils avaient été jugés disproportionnés par la CNIL, obligeant potentiellement chaque salarié à justifier des inactivités de plus de 10 minutes, il n’en est rien pour le Conseil d’État.

Le juge administratif estime que ces outils permettent de « signaler des interruptions d’activité », ils n’ont pas,  « par eux-mêmes, pour objet de collecter des informations d’ordre personnel sur les salariés ». La nouvelle devrait avoir un goût amer pour les salariés de la branche logistique d’Amazon France, notamment au sujet de l’« idle time ». Désormais, le dispositif qui fait remonter en temps réel aux managers toute interruption de plus de dix minutes dans une journée de travail n’est plus considéré comme excessif.

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