Faut-il forcer les géants du numérique à payer pour leur utilisation des réseaux télécoms ? Cette question polémique a été remise sur le devant de la scène ces derniers mois, particulièrement après des déclarations de Thierry Breton qui, en mai, dans Les Echos, a estimé ce « principe acquis ». Interrogé ce vendredi 9 septembre, le commissaire européen au marché intérieur et au numérique nuance son propos : il « ne faut pas restreindre » ce sujet au seul débat sur une taxation des GAFAN (Google, Amazon, Facebook, Apple et Netflix) au profit des télécoms.
« Il faut se demander si notre régulation des réseaux, pensée à l’époque de l’ouverture à la concurrence des réseaux de cuivre, est encore adaptée, alors que se profile le metaverse et ses flux massifs de données », explique M. Breton. Ce dernier prévoit de lancer une « large consultation », au premier semestre 2023. Suivra un processus législatif d’une à deux années, comme pour les deux précédents textes majeurs de régulation des GAFAN : le Digital Markets Act et Digital Services Act (DMA et DSA). Le commissaire recule-t-il donc sur l’idée de faire payer les réseaux par les mastodontes du Web ? « C’est le début d’une réflexion plus large », assure M. Breton, tout en maintenant l’idée que « tous les utilisateurs des réseaux seront mis à contribution ».
Si le commissaire est prudent, c’est que ce sujet est inflammable. Les opérateurs télécoms poussent pour cette mesure depuis des années et ont redoublé leur lobbying ces derniers mois, espérant une oreille attentive de M. Breton, ex-PDG de France Télécom, et de ses collègues bruxellois, tenants d’une ligne ferme envers les GAFA américains.
« Un partage équilibré de ces coûts se justifie »
« Nous ne contestons pas le fait de bénéficier des contenus des plateformes pour vendre nos abonnements. Mais une grande partie de nos investissements sont directement liés aux contenus, notamment vidéo, de ces fournisseurs de services, gros consommateurs de bande passante. Un partage équilibré de ces coûts se justifie », résume un membre de l’Association européenne des opérateurs (ETNO) qui mène la bataille. Dans l’UE, selon un rapport commandé par Deutsche Telekom, Orange, Telefonica et Vodafone, le surinvestissement lié à la hausse du trafic atteindrait 15 à 28 milliards d’euros par an.
Diplomates, les opérateurs évitent de parler de « taxe ». Leur idée : imposer des négociations entre opérateurs et fournisseurs de contenus. Un système proche de celui créé par Bruxelles pour les médias avec le droit voisin de la directive sur le droit d’auteur. En cas de désaccord, une autorité déciderait d’une « contribution juste et proportionnée », proposent les opérateurs. Seuls les plus gros fournisseurs seraient concernés.
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