Une proposition de loi, adoptée en première lecture, vise à davantage protéger les enfants des réseaux sociaux. Les plates-formes devraient mettre en place un système de vérification d’âge, aux contours plus que flous.
Comment mieux protéger les jeunes enfants et adolescents des dangers de TikTok, d’Instagram ou de Snapchat ? Une proposition de loi, qui vise à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, a été votée en première lecture à l’Assemblée nationale jeudi 2 mars. Si elle est aussi adoptée par le Sénat, elle imposerait aux réseaux sociaux une nouvelle obligation : celle de contrôler l’âge des nouveaux inscrits à l’aide d’une « solution technique » qui rendrait impossible l’accès aux plateformes aux moins de 15 ans.
L’objectif est de mettre en place un « écosystème global de protection de l’enfance en ligne », a expliqué le rapporteur de la loi, Laurent Marcangeli. Ce député du groupe Horizons a pris soin de lister, au sein de l’Hémicycle, tous les risques auxquels sont confrontés les mineurs, comme l’accès à des contenus pornographiques, les injonctions à relever des défis dangereux, le harcèlement, ou encore la publicité de canons de beauté qui entraînent une dégradation de l’estime de soi.
Les règles actuelles n’empêchent pas les enfants d’être présents sur les réseaux sociaux
Depuis des mois, il est question de davantage protéger les mineurs, car les règles existantes qui interdisent déjà, en théorie, l’accès des mineurs aux plates-formes, sont loin d’être efficaces. 63 % des moins de 13 ans sont actifs sur au moins un réseau social, détaille Génération Numérique. Pire : selon des chiffres de la Cnil cités par les députés, la toute première inscription à un réseau social a lieu vers… 8 ans et demi.
Pourtant, les conditions générales de chaque réseau social imposent bien un âge minimal pour s’inscrire, de 13 ans. La majorité numérique, à 15 ans, existe déjà dans la loi depuis 2018, mais elle concerne surtout les données personnelles du mineur, qui, pour être traitées, nécessitent en théorie un accord parental, une règle peu respectée en pratique.
La mise en place d’un outil de vérification efficace
En conséquence, la proposition de loi va plus loin en exigeant « la mise en place d’une solution technique de vérification de l’âge des utilisateurs finaux et du consentement des titulaires de l’autorité parentale » pour les moins de 15 ans. En d’autres termes, les adolescents de moins de 15 ans devront apporter la preuve de l’autorisation d’au moins un parent pour pouvoir s’inscrire à un réseau social. Et surtout, les réseaux sociaux vont devoir mettre en place un outil de vérification de l’âge efficace.
Le problème est que cette solution technique n’existe pas aujourd’hui. Comment en effet s’assurer que les personnes qui s’inscrivent ont bien 15 ans ? La question s’est déjà posée pour les plates-formes qui proposent des contenus pornographiques, ces dernières étant censées vérifier, sans succès pour l’instant, que leurs utilisateurs ont bien 18 ans. Il suffit en effet de déclarer être majeur pour y accéder.
Les pistes et les questions posées par le futur système de vérification
À quoi ce système pourrait-il alors ressembler ? Instagram utilise par exemple les selfies pour vérifier l’âge de ses utilisateurs. Un autre système proposé par la Cnil, qui devrait être expérimenté, consiste à avoir recours à un tiers comme son assureur, qui va générer un jeton numérique garantissant que le visiteur a plus de 18 ans. L’internaute n’aurait ainsi qu’à montrer ce jeton numérique, sans que le tiers n’ait connaissance de la plate-forme visitée, et sans que cette plate-forme n’ait accès à d’autres informations connues du tiers.
La solution sera-t-elle la même pour tous ? Rien n’est indiqué dans la loi, mais elle devra dans tous les cas répondre aux exigences de l’Arcom et de la Cnil, puisque la première devra certifier cette solution, après consultation de la seconde. Le texte ne donne pas de détails supplémentaires, le reste devant être fixé plus tard par décret en Conseil d’État.
Mais il est d’ores et déjà prévu qu’en cas de non-respect de mise en place de cet outil, les réseaux sociaux risquent une amende salée pouvant aller jusqu’à 1 % de leur chiffre d’affaires mondial. Cette règle ne concernerait pas seulement les nouvelles inscriptions, mais aussi les comptes existants. Autres nouveautés : les parents pourraient demander la suspension du compte d’un enfant de moins de 15 ans. Il est également prévu que l’autorisation parentale ne soit pas nécessaire pour les moins de 13 ans, s’il s’agit de « plates-formes labellisées ». Prochaine étape : le texte doit être adopté au Sénat.