De la mauvaise foi mais pas de délit. Arrêtés en février 2022, les deux frères poursuivis pour le siphonnage des fonds de la plateforme Platypus Finance viennent d’être relaxés par la 13e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris, a constaté ZDNET.fr. Le parquet avait demandé une peine de deux ans de prison ferme pour le frère aîné et de six mois avec sursis pour son cadet.
“Ce n’est pas un blanc seing”, a toutefois avertit la présidente Lasserre-Jeannin lors de la lecture du délibéré, à l’adresse des deux anciens mis en cause. “Vous n’avez pas eu un comportement de hackeur éthique, vous avez exécuté le contrat de mauvaise foi”, mais sans que cela ne soit une infraction pénale, remarque-t-elle.
Faille dans le contrat intelligent
A l’audience, à la fin octobre, Mohamed M., un autodidacte passionné d’informatique, avait expliqué comment il avait pu, en programmant une série d’instructions dans un contrat intelligent, mettre la main sur les fonds de Platypus Finance. Un premier prêt éclair sur le protocole de finance décentralisée Aave V3 lui avait d’abord permis de déposer 44 millions de USDC, un stable coin rattaché au dollar américain, sur Platypus Finance.
Ces fonds avaient servi de garantie pour emprunter 41,7 millions d’USP, un autre jeton. Ce magot était destiné à être échangé avec les stable coins présentés dans le pool de liquidité de la plateforme. Entre-temps, la clause de retrait d’urgence avait été activée, permettant de rembourser le prêt éclair initial tout en gardant la main sur les cryptos obtenues sur Platypus.
« Mal codé »
Mais pour le tribunal, si cette manœuvre peut relever de la “mauvaise foi”, ce n’est pas une escroquerie, “même si c’est préjudiciable” pour l’entreprise. “Le smart contract a été mal codé par Platypus, de sorte que cela a permis au mis en cause d’en profiter”, résume la présidente Lasserre-Jeannin.
Les juges ont estimé également qu’il ne s’agissait pas d’un vol, les cryptos n’appartenant pas à la société – il s’agissait des jetons des personnes ayant déposé leurs fonds dans la piscine crypto. Enfin, les poursuites pour piratage informatique ont elles aussi été écartées. L’expert de la police nationale avait concédé qu’il s’agissait d’abord d’une interaction avec le contrat intelligent, plutôt qu’un accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données.
L’histoire n’est toutefois pas terminée pour Mohamed M. Outre un éventuel appel du parquet, ce dernier pourrait désormais avoir à rembourser le prêt contracté auprès de Platypus, a souligné la présidente du tribunal. Un point qui reste cependant très flou, entre les fonds perdus dans l’un des contrats intelligents et un token qui n’est plus négociable sur la plupart des places de marché.