Akane Torikai, un manga à soi

Akane Torikai, un manga à soi


Dans les rayons manga des librairies françaises, le travail d’Akane Torikai détonne. En janvier 2020, on la découvre avec En proie au silence (Ed. Akata). Ce titre − son premier traduit en français – s’attaque frontalement à la misogynie et aux violences sexuelles en dépeignant les questionnements et la souffrance de Misuzu, une jeune professeure déboussolée qui tente de se reconstruire après un viol. Intime, dérangeant, impudique même parfois, la série entre en résonance avec la déflagration #metoo trois ans plus tôt. Si, au Japon, le manga sorti en 2013 préexiste au mouvement, il a aussi fait parler dans son pays natal : les huit tomes y ont dépassé le million d’exemplaires vendus.

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« En général les mangas relèvent de la pure fiction, de fantaisie assez irréelle. Ce n’est pas du tout ce qui m’intéresse et j’ai toujours voulu dessiner la réalité. Dans En proie au silence, j’ai voulu la dessiner telle quelle, et dans ses moments les plus sombres, explique l’autrice au Monde lors de son passage au Festival international de la bande dessinée d’Angoulême (FIBD), qui s’achève dimanche 29 janvier. Peut-être cette série a-t-elle plu parce que j’ai pu mettre sur le papier tout ce que les gens ne pouvaient pas dire… »

Le cœur des femmes

La carrière d’Akane Torikai, née en 1981, a commencé une dizaine d’années auparavant, dans les pages d’un magazine shojo – à destination des jeunes filles – de l’éditeur Kodansha. Dans les histoires courtes qu’elle a multipliées en début de carrière (You’ve Gotta Love Song) avant de tenir des séries plus longues, elle y développe déjà des motifs qui lui tiennent à cœur : des femmes blessées et malheureuses dans leur couple ou leurs relations amoureuses. Des situations qui questionnent ses propres relations intimes, mais aussi la difficulté d’élever seule son fils.

« Dans mes couples, les choses se passent généralement mal, et j’essaie de comprendre pourquoi. Ça me pousse nécessairement à me poser des questions sur qu’est ce qui ne s’est pas bien passé, ce que j’aurais fait de mal. En comprenant ce qui ne va pas, peut-être mon couple pourra durer », confie celle qui a eu tôt fait de comprendre que le tort ne venait pas seulement des amants, mais aussi du sexisme et de l’éducation. « Ce n’est pas quelque chose qui est intrinsèque, qui vient de la nature, mais c’est plutôt quelque chose qui a été construit dans le monde dans lequel on a grandi. »

Aperçu d’une planche de « Saturn Return ».

Pour elle, il ne s’agit pas pour autant de manga social, mais plutôt de manga intime qui confinerait à l’universel. « Mon leitmotiv a été de trouver comment vivre et trouver le bonheur. Ça se connecte de facto à des thèmes de société, mais, ce que j’exprime dans mes œuvres, c’est aussi ce que j’aurais envie de dire à mon entourage, à mon fils, à mon conjoint… » La mangaka n’a pas souvenir d’un événement particulier qui lui aurait fait ressentir de l’injustice en tant que femme. « Ce sont plus des faits tout au long de la vie à l’école, au travail, dans mes relations. Petit à petit, ça s’est accumulé, et je me suis dit que ce serait quelque chose que j’aurais envie un jour d’aborder. »

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