Anna Toumazoff était destinée à devenir une combattante. Née au mois de mars à Arès, petite commune du bassin d’Arcachon : le dieu de la guerre s’était penché sur son berceau. Mais lors de son dernier fait d’armes, le 21 octobre, la militante féministe connue pour ses hashtags et ses punchlines sur Instagram a perdu quelques plumes. Invitée sur le plateau de « Face à Baba », l’émission politique de Cyril Hanouna sur C8, la jeune femme de 27 ans faisait face au ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, considéré comme un ennemi par les militantes féministes.
Un choix surprenant, que l’entourage d’Anna Toumazoff désapprouvait. « J’ai toujours refusé d’aller sur TPMP, mais là j’ai dit oui tout de suite, raconte la jeune femme au débit de mitraillette. On me proposait d’affronter le boss final, je voulais aller dans l’arène. » Devant plus d’un million de téléspectateurs, elle l’interroge sur les actions du gouvernement pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles et les féminicides, qui représentent « un Bataclan par an », selon les mots de la militante.
L’échange est cordial, Anna Toumazoff expose arguments et chiffres calmement, respectueusement. A l’intérieur, elle bout. « Chaque jour je suis témoin des horreurs que vivent les femmes. Je dois les digérer et les présenter dans une forme acceptable dans les médias face aux gens qui font partie du problème ». Un exercice d’équilibriste qui l’épuise physiquement et émotionnellement, particulièrement ce soir-là. Après « Face à Baba », elle s’est accordé un mois de vacances loin de Paris, des médias et des réseaux sociaux.
Vulgarisation et pédagogie
Avec plus de 200 000 abonnés à ses comptes Instagram, Anna Toumazoff est devenue l’une des principales représentantes d’une nouvelle génération de féministes qui font des réseaux sociaux un instrument de lutte et de plaidoyer politique. Son influence grandissante lui a valu une nomination, en août 2022, au palmarès des « 30 de moins de 30 ans » de Vanity Fair. La jeune activiste s’est forgé une place à part dans le militantisme, celle d’un couteau suisse qui maîtrise à la fois les langues numériques et celle des puissants. Sur les réseaux sociaux, elle utilise son image de « cool girl » et l’humour, à grand renfort d’anglicismes et de verlan, pour faire de la vulgarisation et de la pédagogie sur les violences sexistes et sexuelles. Sur les plateaux télé, elle utilise son bagage universitaire et ses qualités d’oratrice.
Tout a commencé en 2019. Anna Toumazoff a 24 ans, elle vient de terminer son master 2 à Sciences Po Toulouse. Après un stage au Lobby européen des femmes (la plus grande organisation d’associations de femmes de l’Union européenne), elle vit à Bruxelles de petits boulots, le temps de trouver un poste en lien avec ses études. « J’avais des choses à dire sur le féminisme. Au lieu de les répéter inlassablement aux gens que je rencontrais en soirée, je me suis dit que j’allais créer un compte Instagram », retrace-t-elle. C’est le moment où émergent les comptes de mèmes, ces images virales aux légendes humoristiques. Elle s’en inspire et crée @memespourcoolkidsféministes.
Il vous reste 62.15% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.