L’affaire des avantages fiscaux accordés par l’Irlande à Apple rebondit, et repart probablement pour quelques années supplémentaires. L’avocat général de la Cour de justice de l’UE s’est en effet rangé du côté de la Commission européenne, qui exige le remboursement de 13 milliards d’euros de rescrits fiscaux.
C’est reparti pour un tour. Giovanni Pitruzzella, l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), a rendu ses conclusions concernant les rescrits fiscaux accordés par l’Irlande à Apple. Il estime que la Cour doit annuler l’arrêt rendu il y a trois ans par le Tribunal de l’Union européenne — la cour de première instance — qui désavouait sèchement la Commission européenne.
Des aides d’État illégales pour la Commission
Le jugement de la CJUE n’est pas attendu avant quelques mois, mais habituellement la Cour suit les conclusions de son avocat général. Par conséquent, elle devrait renvoyer l’affaire vers le Tribunal de l’UE qui se prononcera à nouveau sur le fond. La procédure pouvant faire l’objet d’un nouvel appel devant la CJUE, il est plus que probable que l’histoire va se traîner devant les tribunaux européens pendant encore de nombreuses années !
Petit rappel des faits. En 2016, l’ex-commissaire à la concurrence Margrethe Vestager ordonnait à l’Irlande de récupérer auprès d’Apple des avantages fiscaux indus, couvrant la période entre 1991 et 2014. La somme fait tourner les têtes : 13 milliards d’euros ! Selon la Commission, le constructeur informatique a bénéficié d’un gros coup de main fiscal illégal.
En 1991 et en 2007, l’Irlande a émis deux rescrits fiscaux en faveur des deux filiales européennes d’Apple, Apple Sales International (ASI) et Apple Operations Europe (AOE), constituées en tant que sociétés de droit irlandais sans pour autant être résidentes fiscales au pays. Ces rescrits ont permis à ces deux entreprises d’exclure de leur base imposable les bénéfices générés par l’utilisation des licences de propriété intellectuelle détenues par ASI et AOE.
Pour la Commission, il s’agit d’une aide d’État incompatible avec le marché intérieur et donc, illégale. C’est la raison pour laquelle l’exécutif européen a exigé de l’Irlande la récupération du montant de ces aides. Mais patatras, en 2020, Dublin et les deux filiales d’Apple obtiennent du Tribunal de l’UE l’annulation de la décision de la Commission.
Le Tribunal a estimé que Bruxelles n’avait pas su démontrer l’existence d’un avantage découlant des fameux rescrits. Évidemment, la Commission n’a pas voulu en rester sur cet échec retentissant et a fait appel devant la Cour de l’UE, en demandant l’annulation du jugement en première instance. Ce qu’elle pourrait bien obtenir, si la Cour suit les conclusions de l’avocat général…
D’après Giovanni Pitruzzella, le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit en jugeant que la Commission « n’avait pas suffisamment prouvé que les licences de propriété intellectuelle détenues par ASI et AOE et les bénéfices y afférents, générés par les ventes des produits Apple en dehors des États-Unis, devaient être attribués à des fins fiscales aux succursales irlandaises ». Des « erreurs méthodologiques » ont également été commis par le Tribunal.
Pour Dublin, Apple a payé le bon montant d’impôt et a assuré que l’Irlande n’avait accordé aucune aide d’État à Apple. Du côté du constructeur, on s’en remet à l’arrêt « très clair » du Tribunal selon lequel Apple n’a reçu aucun avantage fiscal et aucune aide d’État. L’entreprise espère que cela sera confirmé lors du prochain passage devant le Tribunal.
En 2018, le gouvernement irlandais a collecté 14,3 milliards d’euros (le montant des rescrits plus les intérêts) auprès d’Apple, et a placé l’argent dans un compte sous séquestre en attendant que la justice éclaircisse la situation. Ce magot a depuis fondu de 900 millions d’euros en raison des taux négatifs sur les obligations européennes et le fait qu’Apple a pu piocher dedans pour payer des impôts dans d’autres juridictions.
Source :
Irish Times