Apple veut taxer tous les transferts de NFT réalisés depuis une application iOS. Malheureusement, le fabricant d’iPhone semble n’avoir rien compris à la cryptomonnaie et à la blockchain.
Apple vient de bloquer la dernière mise à jour de l’application Coinbase Wallet sur iOS. Proposé par l’exchange américain Coinbase, le portefeuille mobile permet de stocker des actifs numériques, comme des cryptomonnaies ou des NFT. Sans cette mise à jour, il n’est plus possible d’envoyer des NFT depuis ce wallet, regrette Coinbase.
« Si vous détenez un NFT dans un portefeuille sur un iPhone, Apple vient de rendre beaucoup plus difficile le transfert de ce NFT vers d’autres portefeuilles », détaille Coinbase dans un thread sur Twitter.
You might have noticed you can’t send NFTs on Coinbase Wallet iOS anymore. This is because Apple blocked our last app release until we disabled the feature. 🧵
— Coinbase Wallet (@CoinbaseWallet) December 1, 2022
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Apple défend sa commission de 30 %
En cause : les frais de transactions requis par la blockchain lors de l’envoi d’un token non fongible sur une adresse. Fidèle à ses habitudes, Apple exige une commission de 30 % sur ces frais. Pour récupérer son dû, la société dirigée par Tim Cook demande à ce que ces frais blockchain soient réglés via le système d’achat intégré de l’App Store. En clair, Apple demande à un utilisateur Coinbase d’inscrire un NFT sur la chaîne de blocs… sans régler les frais de la blockchain. C’est évidemment impossible. Sans surprise, Apple n’apprécie pas que la blockchain permette de contourner les règles de sa boutique.
Avec ce blocage, le géant de Cupertino se contente d’appliquer la réglementation de l’App Store. En effet, Apple a toujours récupéré une commission de 30 % sur tous les achats réalisés par le biais d’une application installée depuis l’App Store. Cette taxe controversée est à la base du business model de la boutique en ligne.
Début de l’automne, l’entreprise californienne a d’ailleurs rappelé que les cryptomonnaies et les NFT n’échappent pas à la commission. Pour vendre des tokens non fongibles, les applications iOS sont invitées à s’appuyer sur le système d’achat intégré. Tout doit absolument se passer au sein de l’application. Apple se justifie en assurant vouloir protéger les utilisateurs d’iOS.
« Les applications peuvent utiliser l’achat intégré pour vendre des services liés aux jetons non fongibles (NFT). Les applications peuvent permettre aux utilisateurs de parcourir les collections de NFT appartenant à autrui à condition qu’elles ne comprennent pas de boutons, de liens externes ou d’autres appels à l’action qui dirigent les clients vers des mécanismes d’achat autres que l’achat intégré », explique Apple sur son site web officiel.
Les exigences irréalisables d’Apple
Comme le souligne Coinbase, la demande d’Apple est incompatible avec le fonctionnement de la blockchain et des NFT. La plate-forme d’échange rappelle que le système d’achat intégré mis au point par Apple ne prend pas en charge les actifs numériques comme les NFT.
« Nous ne pourrions donc pas nous y conformer même si nous essayions », déclare Coinbase.
En bloquant la mise à jour, Apple semble partir du principe que Coinbase se rémunère grâce aux frais de transaction de la blockchain. Ce n’est pas le cas. En l’occurrence, ce n’est pas l’exchange qui réclame ces frais aux utilisateurs. Il s’agit du coût inhérent au fonctionnement de la blockchain. L’argent ne finit donc pas dans les poches de Coinbase. Les frais rémunèrent les individus qui sécurisent le réseau, comme les mineurs ou les validateurs sur Ethereum.
« C’est comme si Apple voulait obtenir une part des frais de chaque e-mail envoyé via des protocoles Internet ouverts », compare Coinbase.
Pour la plate-forme crypto, « Apple a introduit de nouvelles politiques pour protéger ses bénéfices au détriment de l’investissement des consommateurs dans les NFT et de l’innovation des développeurs ». Ce n’est pas la première fois que Coinbase pointe du doigt les règles édictées par Apple. En 2020, Brian Armstrong, fondateur de Coinbase, regrettait déjà qu’Apple interdise les applications décentralisées (decentralized applications en anglais, abrégées en dApps) sur son App Store. Là encore, Apple justifiait l’interdiction par l’ajout d’un système de paiement externe, permettant de contourner sa taxe de 30 %.
Il est fort probable qu’Apple applique une restriction similaire aux autres applications iOS dédiées à la conservation d’actifs numériques, comme Metamask ou Trust Wallet. On peut de facto s’attendre à ce que d’autres acteurs de l’écosystème s’opposent aux pratiques d’Apple dans un avenir proche.
Notez que Google réclame aussi une commission de 30 % sur les ventes réalisées par le biais d’une application Android installée depuis le Play Store. Néanmoins, la situation est très différente. Contrairement à Apple, Google autorise les utilisateurs à télécharger des apps en dehors de sa boutique. De plus, le géant de Mountain View se veut plus souple que son rival. Il autorise en effet progressivement des apps à passer par un système de paiement alternatif, à commencer par Spotify.
Apple et les crypto-actifs, une relation compliquée
Apple entretient une relation ambivalente avec les actifs numériques déployés sur la blockchain. Dans les règles de l’App Store, le géant de Cupertino se montre ouvertement hostile à l’adoption des crypto-actifs. L’entreprise est évidemment consciente que les cryptomonnaies risquent d’étioler l’hégémonie de son système de paiement intégré.
En faisant une exception pour les NFT et les cryptos, Apple pourrait provoquer une réduction de ses bénéfices. Dans un dépôt auprès du régulateur financier américain en 2020, la firme estimait d’ailleurs qu’un assouplissement des règles de l’App Store s’accompagnerait d’une réduction sensible de ses revenus. En 2021, la boutique a généré près de 70,6 milliards de dollars, 60 milliards pour les développeurs, et 10,6 milliards pour Apple. Le groupe n’est pas disposé à voir ce montant revu à la baisse.
En parallèle, Tim Cook, PDG d’Apple, s’est plusieurs fois montré ouvert aux cryptomonnaies. L’an dernier, le dirigeant a révélé détenir des crypto-actifs, dont du Bitcoin et de l’Ether :
« Je m’y suis intéressé depuis un certain temps. J’ai fait mes recherches, je pense que c’est un domaine intéressant ».
Le remplaçant de Steve Jobs précisait alors qu’Apple s’intéresse au secteur des cryptomonnaies, bien que ce ne soit « pas quelque chose que nous avons prévu de faire dans l’immédiat ». Malgré l’intérêt discret de Tim Cook, et une foule de rumeurs, Apple n’a pas encore posé un seul orteil sur le terrain des cryptomonnaies.