2022 a été une année noire pour le secteur des cryptomonnaies. Dès les premiers mois de l’année, le cours du Bitcoin et des autres crypto-actifs s’est mis à baisser, effaçant les gains de 2021. La guerre en Ukraine, l’inflation des monnaies fiduciaires et la hausse des matières premières ont considérablement marqué les marchés financiers.
Tandis que les bourses dévissaient, le cours du Bitcoin a brutalement plongé, entraînant les autres projets dans sa chute. Les investisseurs traditionnels ont massivement retiré leurs billes des actifs les plus risqués, comme les cryptos et les NFT, pour privilégier les valeurs considérées comme plus sûres.
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Premier coup dur : l’implosion de l’UST
En mai, l’effondrement brutal de l’UST, le stablecoin de l’écosystème Luna, a aggravé la situation. Le stablecoin algorithmique, dont la valeur était indexée sur celle du roi dollar, a subitement décroché. La cryptomonnaie a perdu sa parité avec le dollar en l’espace de quelques heures. Plus de 500 milliards de dollars déposés par les investisseurs ont disparu. Malgré le plan de relance promptement dégainé par le fondateur de Terra Labs, le controversé Do Kwon, le projet a perdu la confiance des investisseurs. Soupçonné de fraude et de manipulation, le patron de Terra Labs est désormais recherché par Interpol. Il est toujours en cavale.
La mort du Luna provoqué un effet domino dans l’industrie. En s’effondrant, l’UST et la cryptomonnaie Luna ont pénalisé une foule d’acteurs phares du marché. Peu après le krach de mai, la plate-forme Celsius a d’ailleurs été obligée de déposer le bilan. En amont de la faillite, la société avait gelé l’argent de ses 1,7 million de clients. Elle doit 4,7 milliards à ses utilisateurs, séduits par ses taux d’intérêt très élevés.
En parallèle, un fonds spéculatif spécialisé dans les crypto-actifs a également mordu la poussière. Fondé en 2012,Three Arrows Capital (3AC) s’est retrouvé en défaut de paiement à cause de son importante exposition à l’UST. L’hécatombe s’est poursuivie avec la faillite de Voyager Digital, un exchange américain, et les rumeurs d’insolvabilité d’une kyrielle d’entités réputées, dont les plates-formes Nexo ou BlockFi.
Un vent de paranoïa a alors commencé à souffler sur l’écosystème…. À ce moment-là, Sam Bankman-Fried, fondateur de FTX et grand prince de la crypto, a pris la parole pour mettre en garde les utilisateurs : de nombreuses entreprises sont au bord de la faillite.
L’incroyable descente aux enfers de FTX
Ironie du sort, la prochaine grande société qui rendra l’âme n’est autre que la plate-forme qu’il a fondé en 2019, FTX. L’entreprise s’est déclarée officiellement en faillite le 11 novembre, après quelques jours de turbulences et de péripéties dignes d’un thriller hollywoodien. Dans sa chute, FTX a englouti plus de 8 milliards de dollars appartenant à sa clientèle.
La trahison de Sam Bankman-Fried, soupçonné de détournement de fonds et de fraude, s’est accompagnée d’une profonde crise de confiance. En marge de la faillite de l’exchange, une foule d’utilisateurs ont retiré leur argent des plates-formes centralisées. De grands noms comme Binance, le numéro 1 du marché, ou Crypto.com ont enregistré d’immenses vagues de retraits.
Le krach de FTX a tiré la valeur des cryptomonnaies vers le bas. Tandis que le Bitcoin vivote sous la barre des 20 000 dollars, la valorisation de l’industrie s’est stabilisée sous les 820 milliards de dollars, loin de son record de 3 000 milliards de dollars de l’an dernier. D’autres entités ont alors déposé le bilan. C’est le cas de la plate-forme de prêts BlockFi, qui reposait en grande partie sur FTX, et du géant du minage Core Scientific.
De l’espoir pour 2023 ?
Tandis que 2022 touche à sa fin, plusieurs acteurs de l’industrie ont partagé leurs prédictions pour l’année à venir. Malheureusement, la plupart des observateurs se montrent très pessimistes à court terme. D’après l’exchange Coinbase, il faudra du temps pour que le marché se remette de la faillite du groupe FTX. La plate-forme estime que les cours évolueront à la baisse au moins jusqu’à la fin de l’année prochaine.
Les investisseurs institutionnels, qui tirent le marché vers le haut depuis 2020, ne sont pas plus optimistes. Dans le cadre d’un sondage sponsorisé par Coinbase, l’Institutional Investor a interrogé 140 investisseurs institutionnels basés aux États-Unis. Pour 53 % des sondés, la valeur des crypto-actifs se contentera de stagner en 2023, tandis que 29 % des investisseurs tablent sur une nouvelle baisse. Ils ne sont que 8 % à envisager une nouvelle hausse des cours.
David Derhy, analyste de marchés chez eToro, abonde dans le même sens. L’expert met en exergue plusieurs obstacles au retour en force de l’industrie. Citons d’abord les conditions macroéconomiques. Bien que l’inflation montre les premiers signes de ralentissements, le spectre d’une récession plane sur les prochains mois. Pour le Fonds monétaire international, une récession mondiale semble d’ailleurs inévitable. Toujours corrélé aux marchés traditionnels, le Bitcoin devrait pâtir de ce marasme économique. Malgré l’adoption progressive des marques, les tokens non fongibles (NFT) devraient de se retrouver dans une situation similaire l’an prochain.
Les défis du minage
L’explosion du coût de l’électricité risque par ailleurs d’entraver le développement de l’industrie du minage de Bitcoin. Si le cours de la reine des cryptomonnaies continue de baisser « tandis que ceux de l’électricité continuent à monter, de nombreux mineurs de crypto-actifs devront arrêter leur activité qui ne leur sera plus rentable », souligne David Derhy.
Cet automne, la rentabilité des fermes de minage a fortement baissé pour se retrouver sous les niveaux enregistrés en 2020, en marge du krach lié à la Covid-19, révèle une enquête d’Arcane Research. Plusieurs géants ont rencontré des difficultés financières suite à la baisse des cours. Dos au mur, le groupe texan Core Scientific a été obligé de déposer le bilan. De son côté, Argo Blockhain, un autre grand nom de l’industrie, a échappé de peu à la faillite.
Pour survivre au marché baissier, les mineurs de bitcoins doivent impérativement se tourner vers les énergies vertes et renouvelables. Aux dernières nouvelles, la transition est déjà bien avancée. Un rapport de Coinshare estime que plus de 70 % des fermes de minage s’appuient déjà sur des sources d’énergie respectueuses de l’environnement. Les efforts de l’industrie, marquée par la chute des cours, seront l’une des grandes tendances à suivre l’année prochaine.
La régulation s’organise
En réaction à la chute de FTX, les autorités devraient par ailleurs serrer la vis. Cet automne, plusieurs décideurs politiques sont montés au créneau pour réclamer une régulation plus stricte du secteur. Par exemple, Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne, a plaidé pour une réglementation plus complète, qui englobe toutes les facettes de l’industrie naissante.
« Des règles plus strictes visant à limiter et à réguler davantage les communications autour de l’industrie crypto » devraient voir le jour l’année prochaine, prophétise l’analyste d’eToro. Face aux régulateurs, le monde des cryptomonnaies va devoir s’adapter. En Europe, une législation baptisée MiCa (pour Market in Crypto Assets) entrera d’ailleurs en vigueur en 2024. L’année prochaine, les acteurs présents sur le sol européen devront progressivement se préparer à cette réglementation.
Les grandes tendances de 2023
Néanmoins, l’industrie crypto devrait continuer à offrir de belles opportunités pour les développeurs et les entrepreneurs. Vitalik Buterin, l’un des fondateurs de la blockchain Ethereum, a identifié trois grandes tendances à prendre en compte lors d’une récente interview.
L’informaticien russo-canadien estime que l’offre de portefeuilles numériques, destinés à stocker des actifs, est appelée à s’enrichir en 2023. Suite à la chute de FTX, de nombreux investisseurs préfèrent désormais stocker leurs cryptomonnaies sur des wallets dits « non custodial », qui leur permettent de détenir eux-mêmes leurs clés privées.
« Si vous pouvez faire un portefeuille qu’un milliard de personnes utiliseront, c’est une énorme opportunité », déclare Vitalik Buterin, très optimiste.
Dans un second temps, le cofondateur d’Ethereum a évoqué le cas des stablecoins. Malgré le désastre de l’UST, ces devises numériques dont le cours reste stable auraient un grand avenir. Pour bouleverser l’offre actuelle, dominée par l’USDT, l’USDC et le BUSD, Buterin recommande la création d’une cryptomonnaie qui sera « comme une bouée de sauvetage » contre les aléas de l’économie :
« Si vous pouvez concevoir un stablecoin qui peut effectivement survivre à n’importe quoi, y compris à une hyperinflation du dollar américain […], c’est une énorme opportunité ».
Enfin, Vitalik Buterin conseille aux développeurs du Web 3.0 de se pencher sur un système d’authentification commun pour toutes les plates-formes et les sites web. Pour authentifier leurs membres, les plates-formes s’appuieraient sur la blockchain Ethereum. Cette approche décentralisée mettrait un terme à l’hégémonie des services centralisés phares du Web 2.0.
« Si vous pouvez faire en sorte que la connexion avec Ethereum fonctionne et si vous pouvez détrôner Facebook, Google et Twitter en tant que seigneurs de la connexion sur Internet, c’est une énorme opportunité », encourage le cofondateur d’Ethereum.
Malgré les sérieux revers essuyés en 2022, la cryptomonnaie serait bien loin d’être morte. Pour David Derhy, « le marché des crypto-actifs ne disparaîtra pas et continuera probablement d’augmenter en taille lors des prochaines années », à tel point que les désastres de 2022 deviendront « anecdotiques ».