Le 15 septembre 1997 est enregistré un nom de domaine qui va changer la face du Web : Google.com. Derrière cette page au design simpliste se trouvent Larry Page et Sergey Brin, âgés de 24 ans, doctorants au sein de la prestigieuse université Stanford. Ensemble, ils viennent de concevoir un moteur de recherche, initialement nommé BackRub, qui va s’imposer auprès des internautes comme un outil indispensable : aujourd’hui, 83 % des recherches mondiales passent par Google.
Toutefois, le moteur de recherche est de plus en plus critiqué : tantôt sur les biais de ses résultats de recherche, tantôt sur l’omniprésence des contenus publicitaires, voire sur sa propension à mettre en avant de fausses informations. Derrière ces interrogations croissantes, le rôle à part de Search (« recherche ») au sein de l’entreprise Google : l’apparence inchangée du service – les mêmes lettres multicolores trônent à la même adresse depuis vingt-cinq ans – cache en réalité plus de deux décennies de bifurcations et d’ajustements.
Culture du secret
Quand Larry Page et Sergey Brin se lancent à la fin des années 1990, la course au moteur de recherche a déjà commencé dans la Silicon Valley. « Mais celui de Google marche mieux que les autres », synthétise Guillaume Sire, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Toulouse-I. Spécialiste de la gouvernance d’Internet et des moteurs de recherche, il a longuement étudié la multinationale et les raisons de son succès. PageRank, le système innovant qui permet à Google de classer les résultats, le rend particulièrement performant et le propulse vite parmi les expérimentations les plus prometteuses de l’époque dans le domaine de l’Internet.
En 1998, Larry Page dépose officiellement un brevet pour protéger sa création et monte avec Sergey Brin sa start-up, installée initialement dans le garage de l’actuelle PDG de YouTube, Susan Wojcicki. « S’est opérée alors une transition : on est passé d’un paradigme académique – ils ont publié un article sur Google en tant que doctorants – à un paradigme industriel, avec un secret autour de leur activité, comme pour la recette de Coca-Cola, illustre Guillaume Sire. On n’a plus du tout eu d’informations sur les arbitrages qu’ils faisaient en interne. »
« C’est problématique d’avoir un secret industriel autour d’un tel outil d’information », estime le chercheur Guillaume Sire
Ce choix précipité de la confidence et de la protection intellectuelle pour l’algorithme est le signe avant-coureur du devenir de mastodonte pour l’entreprise et reflète le changement d’ambition de ses créateurs. Aujourd’hui, si Google communique succinctement sur certaines de ses mises à jour, il est impossible de connaître avec précision le fonctionnement de son moteur de recherche (contactée, l’entreprise n’a pas donné suite à nos sollicitations). « Sauf qu’il ne s’agit pas d’une boisson désaltérante, mais d’un outil pour hiérarchiser de l’information à caractère hautement explosif, quand on parle de “fake news” par exemple, poursuit le chercheur Guillaume Sire. C’est problématique d’avoir un secret industriel autour d’un tel outil d’information. »
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