Il y a bientôt dix ans, Audi présentait au salon de Genève 2014 le Virtual Cockpit. Depuis, l’eau a coulé sous les ponts – le salon de Genève s’est délocalisé au Qatar – mais jamais la marque aux anneaux n’a poussé plus loin l’intégration du numérique dans ses voitures. En se tournant vers l’électrique, son habitacle est alors entré dans la famille restreinte des constructeurs qui résistent par la force des boutons physique et des aménagements traditionnels à bord.
Mais fêtant bientôt une première décennie, Audi risquait le contrecoup avec cette atonie. D’un habitacle conventionnel, à la clientèle qui ne veut pas d’un habitacle façon soucoupe volante, le constructeur risquait de prendre du retard. Et de faire du vieux. Il s’est donc penché sur son calendrier, et a choisi le futur Q6 e-tron pour dévoiler ce nouvel habitacle. Preuve en est de l’importance : le design même de la carrosserie du nouveau SUV n’a pas encore été dévoilé.
Contrairement aux autres modèles électriques précédents chez Audi, le Q6 e-tron est développé sur une plateforme dédiée aux modèles électriques, la nouvelle plateforme PPE 2 (Premium Plateform Electric 2). D’où l’intérêt de choisir ce modèle pour revoir totalement l’intérieur.
Près de Munich en Allemagne, le temps de quelques heures, nous avons pu faire le tour du propriétaire de cette nouvelle déco. Un nouvel habitacle qui face à la concurrence sera moins minimaliste que BMW, ne prendra pas le même virage que Mercedes et ses écrans incrustés dans la planche de bord, ou encore que Tesla avec son troisième écran pour les passagers arrière présenté sur la nouvelle Model 3.
Nouveaux écrans
Plutôt que de parler de planche de bord, il y a désormais chez Audi un « étage digital ». Et c’est le plus gros changement. Désormais chez Audi, on ne raisonne plus en termes de console centrale mais bien de planche de bord, et de cet étage digital comprenant une grande dalle. Au grand bénéfice de la sécurité et du confort de conduite, les écrans sont rehaussés comparé à la datte des Q4 e-tron et Q8 e-tron intégrée plus bas. Désormais tout est positionné pour que la vision soit le moins déportée possible.
De l’écran derrière le volant à la console centrale, le nouvel habitacle type de la marque aux anneaux emporte une seule et même pièce horizontale et légèrement courbée, orientée vers le conducteur. Celle-ci intègre en fait deux écrans qu’elle dissimule sous un habillage noir de 62 cm pour donner le sentiment qu’il s’agit d’un seul et même écran. La dalle derrière le volant passe de 12,3 à 11,9 pouces, et l’écran central de 10,1 à 14,5 pouces, comparé à ce que l’on trouve sur une Q8 e-tron. Évidemment, seul l’écran central est tactile.
Sur certains modèles, comme les Q4 e-tron et Q8 e-tron, Audi proposait un troisième écran plus bas, à la jonction entre la console centrale et l’écran central de la planche de bord. Il permettait alors de déporter certaines commandes et raccourcis, et faisait la transition entre un habitacle conventionnel et un habitacle 100 % digital. Audi a décidé de l’enlever, pour ajouter un autre écran côté passager. Un troisième écran qui rappelle ce que propose Porsche sur la Taycan.
D’une diagonale de 10,9 pouces, il permet au passager de contrôler des commandes sans gêner le conducteur (la navigation, la musique, la climatisation), ou de se divertir de façon autonome, sans déranger ni partager au conducteur son contenu. Il est légèrement orienté vers la fenêtre, mais cela n’est pas dérangeant quand l’on est assis à la place du passager.
Nouveau logiciel et nouvel assistant vocal
Jusqu’alors, Audi proposait un logiciel efficace, pour une expérience numérique plutôt fluide, mais jamais ses écrans n’ont permis d’apprécier du contenu pour le divertissement. Avec le retard de plus de deux ans du modèle, le Q6 e-tron va avoir droit à une interface repensée et un logiciel plus complet, baptisé E3. Il a été développé par Cariad, la société éditrice des logiciels du groupe Volkswagen, avec Android Automotive pour la partie application.
Nous n’avons pas pu l’essayer à proprement parler, car Audi n’en proposait sur le prototype que nous avons approché qu’une version de démonstration. On peut tout de même apprécier l’arrivée d’une nouvelle disposition sous la forme de tuiles verticales, qui rappellent l’expérience sur smartphone et permettent d’intégrer des applications sans devoir tout revoir sous un format horizontal.
Cette disposition est aussi bien pensée de sorte que l’on puisse voir d’un coup d’oeil plusieurs programmes en même temps, sans devoir intervenir à l’écran pour changer de programme ou de menu.
Audi dit avoir travaillé avec Android Automotive pour développer la nouvelle plateforme, dans le but de pouvoir proposer des applications. Toutes ne sont pas disponibles en revanche. Le responsable en charge du développement de l’habitacle de ce nouveau Q6 e-tron nous expliquait qu’Audi garde le contrôle sur ce qui pouvait être installé ou non à bord. Notamment du côté des jeux, pour une raison de sécurité, mais aussi très certainement de ressources graphiques encore limitées.
Audi semble donc vouloir continuer à conserver le contrôle sur l’interface et le système utilisé sur ses écrans, à l’heure où d’autres constructeurs préfèrent faire confiance aux sociétés spécialisées comme Google et Apple. Le constructeur nous expliquait notamment qu’il souhaitait garder la main notamment sur la navigation, et éviter que des programmes externes comme Waze ne soit préférés.
Cette main-mise est aussi visible du côté de l’assistance vocale ou Audi fait un volte-face à Amazon, avec qui il travaillait pour intégrer Alexa. Désormais, sous la nouvelle version du logiciel E3, un tout nouveau programme soi-disant boosté à l’intelligence artificielle peut répondre aux questions des passagers ou du conducteur. C’est ainsi qu’il pourrait aussi réaliser des actions rapides ou encore proposer des options de commande avant d’avoir terminé d’énoncer une requête.
Harmonie ou ergonomie ?
Globalement, ce nouvel habitacle vient régler le défaut des écrans situés trop bas sur le tableau de bord des Audi, et réaménager l’espace pour le tourner davantage dans l’ère du digital, tout en essayant d’offrir plus de place de rangement. On aime l’usage des nouveaux matériaux recyclés, ou encore la planche en bois et la nouvelle signature lumineuse façon Volkswagen située en dessous du parebrise.
En revanche, il faudra aimer les habitacles enveloppants et les écrans bien verticaux, tant l’ambiance n’est plus aussi aérée qu’auparavant. Un parti pris pour une ergonomie renforcée. Une inspiration que l’on peut comparer aux marques asiatiques, comme Toyota, avec ses écrans et ses commandes orientées vers le conducteur sans qu’il n’ait besoin de tourner la tête ou d’allonger le bras.
La hiérarchie des éléments est plutôt bien pensée, mais il est certain que ce nouvel habitacle témoigne encore d’une confrontation de deux générations, et que privilégier l’ergonomie rime rarement avec un ensemble harmonieux. Selon nous, là où Audi aurait pu faire d’amples efforts est du côté de la rupture entre la console centrale et le tableau de bord. L’espace de rangement est salutaire, mais la rupture n’est pas très esthétique et aurait au moins pu être camouflée par une fermeture.
Tout me monde n’aimera pas non plus la dalle des écrans, qui ne sont pas directement dans la planche de bord comme c’est le cas pour Mercedes. On regrette aussi l’absence d’écran pour les sièges arrière, comme c’est désormais le cas chez Tesla sur la gamme de la Model 3 restylée. En revanche, Tesla ne propose toujours pas d’affichage tête haute et de son côté Audi propose une nouvelle version encore améliorée qu’il nous tardera d’essayer. Même chose pour l’écran derrière le volant, indisponible y compris sur le Model Y chez Tesla.
La plateforme PPE2, consacrée au nouveau Q6 e-tron et aux autres futurs modèles électriques chez Audi et Porsche, a aussi ses avantages à bord. Sans elle, Audi n’aurait pas pu remodeler complètement son habitacle. A l’arrière par exemple, c’est grâce à celle nouvelle plateforme que le tunnel central à pu disparaître, pour laisser une surface plane aux passagers, notamment pour la troisième place (qui reste une place étroite, cela dit). L’espace de rangement évolue d’ailleurs au niveau du coffre, qui gagne quelques litres, et qui offre un frunk de 64 litres sous le capot avant.
Sortie en février 2024 avec le Porsche Macan électrique
Nous devrions connaître les prix de ce nouveau Q6 e-tron avec ce nouvel habitacle d’ici la fin de l’année. Ensuite, le rendez-vous est fixé pour février 2024 avec sa commercialisation. Dans six mois, la voiture sera officiellement lancée, et elle le sera en même temps que le nouveau Macan électrique de Porsche. Lui aussi utilise la plateforme PPE2.
Le logiciel dans sa nouvelle version avec la nouvelle interface ne sera disponible que pour les nouveaux modèles. Il ne sera pas possible pour les propriétaires de Q4 e-tron ou de Q8 e-tron de réaliser une mise à jour pour que leur écran propose la nouvelle version. Une exclusivité qui permettra encore à Audi de pousser ses clients vers des modèles électriques, alors que la marque ne veut plus rien commercialiser de modèle 100 % thermique à partir de 2026.