En 2023, la grève historique des scénaristes et acteurs hollywoodiens avait déjà permis de mettre en lumière des désaccords profonds entre artistes et acteurs de l’industrie du divertissement en matière d’intelligence artificielle (IA). Cette fois, c’est au tour des comédiens du secteur du jeu vidéo, employés pour du doublage ou de la motion capture, de débrayer pour obtenir des garanties vis-à-vis de cette technologie, qui menace, selon eux, leurs métiers.
Vendredi 26 juillet à minuit une, heure de Los Angeles (9 h 01 à Paris), a commencé une grève lancée par le syndicat SAG-Aftra (Screen Actors Guild‐American Federation of Television and Radio Artists), qui représente également de nombreux de professionnels du cinéma. Ce mouvement n’a pas été décidé en un jour. Il l’a été, au contraire, plus d’un an et demi après le début d’intenses négociations entre le syndicat et une poignée de colosses du jeu vidéo (Activision, Disney, Electronic Arts, Insomniac Games, Take 2…).
En jeu : le renouvellement d’une convention collective appelée « Interactive Media Agreement », dont la date d’expiration initiale remonte au mois de novembre 2022, mais qui a été jusqu’à présent prolongée pour permettre des négociations. Celle-ci concerne environ 2 600 comédiens, lesquels avaient voté massivement, en septembre 2023, une autorisation de grève pour faire fléchir les studios, notamment sur l’IA.
Des garanties pour se protéger
Depuis, les discussions ont avancé, mais la crainte des professionnels du secteur de voir leurs voix et leurs mouvements alimenter des systèmes d’intelligence artificielle destinés à terme à les remplacer, elle, demeure. « Bien que des accords aient été conclus sur de nombreuses questions importantes pour les membres du SAG-Aftra, les employeurs refusent d’affirmer clairement, dans un langage clair et applicable, qu’ils protégeront tous les artistes-interprètes couverts par ce contrat dans leur langage d’IA », a écrit le syndicat professionnel dans un communiqué, paru jeudi 25 juillet.
Rappelant que « l’industrie des jeux vidéo génère des milliards de dollars de bénéfices chaque année » et que « la force motrice de ce succès est constituée par les personnes créatives qui conçoivent et créent ces jeux », le négociateur en chef du SAG-Aftra, Duncan Crabtree-Ireland, réclame ainsi des garanties. Ces comédiens « méritent et exigent les mêmes protections fondamentales que les artistes-interprètes du cinéma, de la télévision, de la diffusion en continu et de la musique : une rémunération équitable et le droit à un consentement éclairé pour l’utilisation de leur visage, de leur voix et de leur corps par l’IA », détaille-t-il.
Des promesses que ne seraient pas prêts à faire les dix studios signataires de l’Interactive Media Agreement ? A la suite de l’annonce de la grève, Audrey Cooling, porte-parole de ces producteurs de jeux vidéo, s’est dit dans un communiqué « déçue que le syndicat ait choisi de se retirer alors que nous sommes si près d’un accord », ajoutant : « Nous restons prêts à reprendre les négociations. » D’après elle, les propositions du patronat incluent déjà « des augmentations de salaire historiques » et des « protections significatives » en matière d’IA, incluant « l’obligation de consentement et de compensation équitable » pour les artistes.