Face à la fin de la maintenance de Windows 10 et à l’énorme gâchis de matériels qu’elle risque d’entraîner pour le passage à Windows 11, la Ville de Blois a décidé de passer sous PrimTux, une distribution Linux dédiée à l’apprentissage, les ordinateurs qu’elle fournit aux écoles publiques.
Contre le « non-sens environnemental » de Microsoft
Sur son site, la municipalité explique: «La décision de Microsoft est incompréhensible, c’est un non-sens environnemental et un véritable diktat pour les collectivités, les associations, certaines entreprises et pour bon nombre de particuliers qui vont se retrouver avec des ordinateurs rendus obsolètes alors qu’ils fonctionnaient encore très bien, indique Rachid Meress, adjoint au maire, délégué au numérique.
Pour répondre à cela, nous avons choisi d’expérimenter la conversion sous Linux des ordinateurs que nous fournissons aux écoles publiques, poursuit Rachid Meress. À Blois, les 34 écoles sont dotées de 277 ordinateurs, dont 154 sont concernés par ce problème.
L’expérimentation se fait pour le moment dans 3 écoles (…). 7 classes sont concernées. 50 ordinateurs ont déjà été reconditionnés « en circuit court » avec l’aide des apprenantes et apprenants de la CCI Campus Centre (centre de formation en alternance). 50 autres devraient l’être d’ici la fin de l’année scolaire.
Les élèves d’élémentaire vont découvrir un tout nouvel environnement de travail, plus intuitif, pensé pour l’école, appelé PrimTux (contraction de « Primaire » et « Linux »). Ce dernier a été spécialement imaginé et développé pour les primaires par une communauté enseignante passionnée de nouvelles technologies. Il propose des applications qui suivent les programmes de chaque cycle.»
« »L’Éducation nationale soutient également ce projet dans le cadre du développement des communs numériques de notre stratégie », comme le souligne Alexis Kauffmann de la direction du Numérique pour l’éducation au sein du ministère. Blois fait partie des premières villes-préfectures à se lancer dans le projet. Des points réguliers seront réalisés avec les enseignantes et enseignants référents aux usages numériques [ERUN – enseignant(e) du premier degré qui possède une expertise du numérique pour l’éducation] pour avoir un retour des utilisatrices et utilisateurs.»
Cinq à dix ans de vie supplémentaire pour les PC
Le passage sous PrimTux, solution gratuite, «permet également de revaloriser les ordinateurs pour un coût minime: reconditionner un PC coûte entre 0 et 50 euros, contre 450 euros minimum pour un PC neuf sous Windows. De plus, on estime entre 5 et 10 ans la durée de vie supplémentaire donnée à chaque ordinateur transformé.
Si la phase d’expérimentation est un succès, toutes les classes seront dotées de PC “PrimTux”, souligne Benjamin Vételé, adjoint au maire en charge de l’Éducation. Cette initiative s’inscrit dans une démarche plus large, celle du numérique inclusif, responsable et durable, qui vise à repenser les usages numériques dans les établissements scolaires. On pourrait aussi, en partenariat avec des associations, mettre en place une filière de prêts ou de dons d’ordinateurs sous PrimTux pour certaines familles, conclut-il.»
Au-delà des premières machines adaptées, la ville de Blois, que j’ai interrogée, cherche «une solution pour soutenir un parc bien plus conséquent (le potentiel est de 450 PC, 150 classes avec 3 PC par classe) à un coût acceptable. Nous sommes à la recherche de prestataires pour faire cela, car l’acquisition/maintenance du parc informatique des écoles est sous-traitée depuis au moins 15 ans.
En plus de ces 54 PC issus du parc des écoles, il y a 250 PC de la Ville qui sont concernés par le problème Windows 10. Ces 250 PC, ajoutés aux 154 des écoles, forment un parc de 404 PC utilisable pour notre parc Primtux.»
À partir de cette évaluation, m’indique la municipalité, il y a un potentiel d’économies de 280.000 euros en investissement. Avec cette précision, avec ou sans PrimTux ou reconditionnement, la maintenance des ordinateurs aura un coût (étant confiée à un prestataire extérieur en cours de recherche), d’environ «quelques dizaines de milliers d’euros par an. En point de repère, la maintenance de nos 480 tablettes et 60 PC portables des classes mobiles nous coûtait 53.000 euros par an.»
Un usage croissant de solutions libres
Blois participe ainsi à la démarche NIRD (Numérique Inclusif, Responsable, Durable) – initiée par un établissement des Hauts-de-France, le lycée Carnot à Bruay-la-Buissière, et plus largement à la volonté de davantage de souveraineté numérique de collectivités – cas de Lyon notamment qui en juin annonçait «la création d’une suite collaborative libre et interopérable, baptisée Territoire Numérique Ouvert et le déploiement progressif de logiciels bureautiques libres, en remplacement de la suite Microsoft Office, dans les services municipaux».
Préfecture du Loir-et-Cher, Blois étend graduellement son usage de logiciels libres: sa suite bureautique standard est LibreOffice, elle a abandonné cet été «l’utilisation d’une solution de visio propriétaire au profit de visio.gouv.fr. Nous sommes également en train de tester le drive de NextCloud depuis cette année, et nous nous sommes récemment lancés dans l’expérimentation de Tchap [la messagerie instantanée recommandée aux ministères et cabinets].
Enfin, la Ville utilise également les logiciels libres dans sa communication numérique: pour son site web avec notamment Drupal, mais également pour les réseaux sociaux avec une activité depuis trois ans sur Mastodon. Ce compte Mastodon de la Ville a fait l’objet d’une promotion sur les réseaux sociaux propriétaires et dans le magazine municipal (diffusé dans toutes les boîtes à lettres résidentielles de la ville), avec des conseils pour les personnes souhaitant réduire l’emprise des réseaux sociaux propriétaires dans leur quotidien (blois.fr/comnumerique2025). La Ville travaille enfin à étendre sa présence sur le fédivers, notamment avec PeerTube, alternative à YouTube et Vimeo.»
La souveraineté numérique pourrait-elle être un thème lors des élections municipales des 15 et 22 mars 2026? Les sujets ne manqueraient pas, tant la vie des collectivités repose sur l’informatique. Citons par exemple Lyon, qui en juin annonçait «la création d’une suite collaborative libre et interopérable, baptisée Territoire Numérique Ouvert et le déploiement progressif de logiciels bureautiques libres, en remplacement de la suite Microsoft Office, dans les services municipaux».
Illustration: l’hôtel de ville de Blois. Photo Chabe01 / Wikimedia Commons / CC by-sa
Lire aussi
Libre et open source express: adieu Windows, désescalade numérique, Échirolles, journalistes tués à Gaza, capitalisme de surveillance – 26 octobre 2025
Face aux critiques, Polytechnique suspend son projet de migration vers Microsoft – 14 octobre 2025
Logiciel libre : la Démarche NIRD, pour un numérique inclusif dans les établissements scolaires – 30 septembre 2025
NIRD : un lycée reconditionne sous logiciels libres et distribue des ordinateurs collectés – 22 avril 2024